Il fait sur la ZAD un temps à ne pas mettre un situationniste dehors
Les révolutionnaires et les guerriers sont les cocus de l’Histoire. Que leur lutte soit perdue et ils sont exécutés ou enfermés dans un camp, que leur lutte soit gagnée et il leur faut bien vite se recycler en politiciens ou fonctionnaires. Sinon ils finissent au comptoir des bistrots à ressasser les souvenirs de leurs combats ou dans les maisons d’édition à tenter de revivre par la littérature ce qu’ils ont laissé derrière eux.
La ZAD était une vraie situation permettant de vivre pleinement l’ humanité. Tous ceux qui se définissent par la négation (de l’oppression), antifas, anticapitaliste, insoumis, anarchistes, pouvaient se reconnaître dans cette opposition radicale à l’aéroport des bien-pensants et du système.
En accédant à leur désir et en annulant le projet d’aéroport l’état a menacé l’identité de la ZAD avec une puissance bien supérieure à tous les blindés, engins de chantier, et autres grenades qui eux ne faisaient que la renforcer. Ce sont nos ennemis qui font ce que nous sommes.
La zone à défendre se doit d’être attaquée sinon c’est juste une zone, qui est en passe de devenir « la zone ».
En proposant une régularisation de certains, et non pas d’autres, l’état a de plus introduit avec machiavélisme la division. Et ceux qui s’empressent de vouloir payer impôts, charges sociales, et de se soumettre aux autorités de tutelle vont certes devenir des néo-paysans mais ne seront plus des révolutionnaires.
Ils risquent même de devenir les alliés les plus zélés du système : avec un titre d’occupation précaire ils ne pourront tolérer de la part des copains- copines aucune déviation ou provocation qui remettrait en cause leur fragile présence.
Si l’on en croit les témoignages d’agriculteurs interrogés par les médias qui en dépit de superficies bien supérieures à celles du plan de régularisation peinent à survivre, le sort des Zadistes autorisés à rester et coincés entre bureaucratie et charges financières restera bien fragile.
Par ailleurs regarder pousser les carottes et les salades, fussent elles bio, n’apportera pas aux enfants de la révolution permanente, les non-régularisables, l’adrénaline que suscitaient les sommations des gendarmes et les détonations des grenades.
Quant à la programmation musicale de radio klaxon, elle reste de qualité, mais c’est une radio qu’on écoute avant tout pour ce qu’elle a à dire, et il ya de plus en plus de chansons et de moins en moins de paroles.
Il semble donc qu’une page se tourne et que les guerriers devront trouver d’autres luttes… le monde est heureusement mal fait et elles ne manquent pas.
Nous fêtons les 50 ans de mai 68. Comment ne pas se souvenir que la classe ouvrière invitée à remplir son « rôle historique » na pas cherché à prendre le pouvoir, n’a pas pris en charge la gestion des entreprises, mais a conforté le patronat dans son rôle et s’est contentée de négocier une amélioration des conditions du salariat qu’autorisait la prospérité économique.
Comment ne pas se souvenir que grâce aux intellectuels l’individualisme hédoniste a conquis l’ensemble de la société, de ce fait a perdu son côté subversif, et ouvert la voie à une société de consommation la plus débridée.
Daniel Cohn –Bendit est dans une certaine forme de cohérence lorsqu’il apporte son soutien à Emmanuel Macron, et Mai 68 a assuré la légitimité du capitalisme sans vraiment le vouloir et en tout cas sans le savoir. Les radicaux ne contaminent pas le système, ils contribuent à le vacciner.
De la même façon la victoire des Zadistes signifie la fin d’une certaine ZAD. Ce qui est important c’est le chemin pas le but. Lorsque le but est atteint, lorsque la guerre se termine, lorsque la révolution s’évanouit le silence est terrifiant. « Profitez de la guerre, la paix sera terrible »…triste slogan que l’on aimerait pouvoir balayer et pourtant...