Bien connecté ?
Et pourtant, accroche toi. Tu glisses, c'est la déconnexion hypnotique.
Un panorama s'offre à toi. Au beau milieu de nulle part, tu te réveilles dans les hauts, une île, un volcan. L'azur déborde de cent kilomètres d'océan, c'est à peu prêt ta vue ce matin.
Te voilà perdu au beau milieu de l'océan, indien, ça tu le sais, à 800 mètres d'altitude. Bambous et calumets, bananiers et goyaviers, fanjans et eucalyptus veillent sur toi.
Tu touches un brin, un brin d'actualité par l'H20 salé qui inonde ta vue.
Les mêmes flots que Lili viennent caresser ton île et ses sables sont tout proches.
Il est là l'hiver austral, tu l'as déjà vu sur ton petit écran, au stade 2010 où tu es, tu n'a pas pu le manquer. Avec tous ces farfelus qui se sont réchauffés autour du feu sacré, en soufflant dans leurs cornets, vuvuzelas gommeuses d'acoustique, actionnant, forçant leurs souffles pour attiser la flamme, rien de tout cela ne t'a échappé.
Dans les villes, dans les quartiers d'affaires, à la Défense et ailleurs, les valeureux ronds de cuir prennent leur courage à deux mains, ils courent l'asphalte et les faux marbres. Un peu plus loin, les cols bleus encore sonnés par leurs réveils, enchaînent les 3x8.
Encore plus loin, là, tu es bien en pleine fiction.
Par ici, il fait plus doux. Des baleines à bosse mettent bas. Elles se soucient peu des liquidités lointaines, de ces flux diffus, des campagnes des politiques échouées en pleines pages des quotidiens. Un peu de liquide, tu surnages, traverses, franchis toutes ces pages, fuite du temps. Des lignes, encore des lignes. L'espace s'ouvre à toi. La longue ligne détale en boule. Saut de savante puce aquatique. Métamorphose de la page en plage.
Le vent souffle dans les filaos. C'est le grand bol de mer, le grand bol d'air, vitaminé, un autre jardin des hespéridés sous tes pieds. Il y a quelque chose de l'Atlantide, tout d'un paradis caché, mais tu n'es pas encore submergé.
Aux antipodes du paradis des enfers, du raz le bol général, bizarre bizarre, te voilà à dix mille lieues des étranglements élyséens. Etouffés les sursauts présidentiels, partis ; envolés, les poissons improvisent. Ici, pas de macros voleurs, seulement quelques baleines, encore, qui sautent hors de l'eau, elles viennent entrevoir un bout de ciel.
Tu es sous électrochoc, loin des presses, tu décompresses.
Détentes majestueuses, face à face avec l'unique victorieuse qui se joue de nous à tout moment, quelle capricieuse, dans la transparence du royaume de Neptune, en tête à tête avec elle.
Eloigné du raffinement des cités.
Fi du plaisir et des réalités germanopratines, écarté des salles de marchés, plus aucun indice. Plus de CAC 40, ni d'Eurostoxx 50, ni de Next 70, pas plus que d'Euronext 100, encore moins d'indice Nikkei, tu cours à ta perte, à la totale perte de tes repères.
Tu es naufragé, égaré au beau milieu de l'océan, indien, ça tu le sais.
Puteaux n'est plus proche, Neuilly, un peu plus loin, te voilà isolé. Tu n'as pas eu le temps d'attraper tes costumes de tribunes hippiques, inutile, il n'y a que des hippocampes ici. Tu es même devenu étranger à l'homme de Chantilly que la presse ballote, tel un mousse passe muraille des ondes unanimes.
Plus de microcosme. Tout est loin. L'espace s'étire à perte de vue, le lointain à la une rétrograde, tu l'imagines, à reculons. L’évasion t’éloigne, elle est si minuscule, imperceptible, lilliputienne, l'ailleurs est ta une, intouchable.