J'étais avec ma copine, Mariana, dans une "pousada" (petit hôtel au Brésil), lorsque vers 21h nous avons entendu du bruit provennant de la chambre de nos voisins, Carolina et Douglas, que nous ne connaissions pas encore. Suit le récit de leur premier janvier, qui allait aussi devenir le notre.
Lorsque Carolina a reçu le primier coup, au matin du premier janvier, elle a pensé que ce n'était pas trop grave car Douglas était nerveux et stressé à ce moment là et que les choses allaient se calmer.
De fait, les choses se sont calmées, comme presque à chaque fois et puis ils ont passé une très belle journée. Car après ces moments là Douglas est toujours très attentionné.
Alors, le soir ils ont dîné au restaurant et Douglas a bu. Puis il a eu l'impression qu'elle avait regardé un homme, alors il est parti se coucher énervé.
Carolina est resté un peu, pour attendre qu'il se calme et puis elle est allé le rejoindre dans la chambre. Leur chambre juste à côté de la notre.
Mais cette fois il ne s'est pas calmé, car "quand il boît, il devient fou."
Au début, quand j'ai entendu les bruits, j'ai cru que quelqu'un bougeait des meubles, je me suis dit "mais bong sang, qu'est ce qu'ils foutent à cette heure-ci?"
C'est Mariana qui m'a dit "écoute, ils s'engueulent, il est en train de l'insulter."
J'ai tendu l'oreille sans trop y croire, car on n'imagine jamais que ça va arriver juste à côté.
Et j'ai entendu les pleures de Carolina et les insultes de Douglas.
"Sale pute, salope"
"Arrête Douglas, j'ai peur."
"T'inquiète pas, je ne vais pas te tuer."
Là, je me suis dit que c'était vraiment la merde. J'ai enfilé mes vêtements et je suis sorti de la chambre pour voir ce qu'il se passait.
La violence à la TV est une chose, la violence en vrai en est une autre. Quand j'ai vu à travers la fenêtre Douglas taper sur Carolina, je me suis figé, complètement. Je me suis retrouvé en état de choc.
J'ai pensé taper à la porte, mais Mariana m'a dit "et si il était armé?"
Merde, merde, merde. "Bam", "bam", "bam" je l'entendais qui continait à taper. J'ai senti ma tête qui a commencé à chauffer, j'ai commencé à transpirer beaucoup en me disant simultanément: "Bordel, il faut faire quelque chose, il faut faire quelque chose, elle est en train de mourir, elle est en train de mourir, elle est en train de mourir"
Nous avons couru pour aller alerter les proprios de la pousada et appeler la police. Le proprio est arrivé avec deux oncles et un cousin. Il est allé taper à la porte pendant que nous nous tenions en embuscade au cas où Douglas réagirait. Quand nous avons ouvert la porte, nous avons simplement entendu Carolina dire "heureusement que vous êtes venus."
Lui, qui quelques secondes plus tôt lui cognait la tête contre le mur, est devenu doux comme un agneau. Il n'arrêtait pas de nous demander pardon. Il a demandé pardon à tout le monde, sauf à Carolina.
Elle a confirmé qu'elle voulait appeler la police. Douglas, a crié "C'est ça que tu veux? C'est ça que tu veux?"
La police est arrivée. Ils ont été emmenés au poste et nous y sommes allé pour témoigner.
Au poste de police, il n'y avait que des hommes, pas une femme pour s'occuper de Carolina, alors Mariana est resté avec elle, elle avait besoin de pleurer, beaucoup.
Les policiers l'ont interrogé sans aucun tact, aucune délicatesse. "Alors? Qu'est ce qu'il y a? hummm"
Pendant qu'ils lui posaient ces questions, Douglas était dans une pièce juste à côté avec la porte ouverte, d'où il entendait tout ce que Carolina disait.
Ensuite les policiers ont emmené Carolina faire l'examen médical pour constater les coups. Là encore, que des hommes. Mariana, m'a ensuite raconté comment le médecin avait grogné quand elle avait demandé de couper la clim' qui rendait la pièce où elle devait se dévêtir gelée.
Quand elles sont revenues au poste, les policiers avaient dû mettre Douglas dans une petite cellule attenante au couloir, couloir faisant office de recéption. De cette petite cellule Douglas entendait tout. Quand il les a entendu revenir, il a commencé à crier.
"Regarde ce que tu m'as fait, je suis comme un animal ici." Il a alors commencé à se taper la tête contre les barreaux jusqu'à saigner. "Regarde comme je saigne, c'est de ta faute, viens voir ce que tu m'as fait."
C'était le début de la nuit. Il n'y avait pas d'officier parce que "l'état en manque", il n'y avait que le policier de base.
"Il va falloir attendre la venue de l'officier, lui seule peut signer les dépositions. Ça va prendre du temps car il vient de loin. Et vous, Carolina, vous allez devoir attendre ici, car l'officier va devoir vous entendre."
Alors Carolina a attendu. Toute la nuit. Dans le couloir du poste de police, avec la tête et le dos douloureux à cause des coups. En étant obligée d'entendre les cris de Douglas "Regarde ce que tu m'as fait, c'est de faute. Tu vas payer pour ça." En étant obligé de l'entendre taper contre les murs, contre les barreaux dans un bruit d'enfer.
Au bout d'un moment, c'était si infernal là dedans, dans ce sale couloir, que je suis allé attendre sur le trottoir. Car il n'y a pas de porte qui puisse être fermée pour isoler la victime des cris de son agresseurs, elle est obligée d'attendre comme ça, en ayant mal, fatiguée.
Mais Douglas, n'est pas n'importe qui. C'est son petit-copain. Ils ont une histoire ensemble. Elle l'aime. Et on ne cesse pas d'aimer d'une minute à l'autre. Ainsi, dans le froid du petit matin, elle est allé le voir plusieur fois, en espérant qu'il change, qu'il lui demande pardon. Et parce que malgré tout, malgré les ecchymoses sur son corps, elle avait de la peine pour lui.
De loin, au calme, on sait bien que Douglas ne va pas changer, ne vas pas demander pardon. Mais quand on aime, on espère et on a de la peine pour son propre bourreau.
A 4h du matin, après plus de 5h au poste de police, l'officier n'arrive toujours pas. Carolina, qui a été battu, que ne sait même plus trop où elle est, doit encore attendre. Il n'y a personne au poste de police pour lui expliquer qu'elle a fait le bon choix en appelant la police, qu'à présent c'est la justice qui va s'occuper de cette affaire, il n'y a personne pour lui offrir ne serait-ce qu'un petit café chaud. Elle ne peut pas retourner dans sa chambre pour se reposer un peu avant de devoir prendre la route pour partir bien, bien loin de son agresseur. Il n'y a même pas une porte pour la protéger du harcèlement psychologique de Douglas "regarde Carolina ce que tu m'as fait, c'est de ta faute."
Là, dans ce petit couloir, il n'y a que l'indifférence des policiers, l'indifférence de la société qui oblige cette femme à attendre toute la nuit l'hypothétique arrivée de l'officier pendant que l'agresseur reste là, à côté, en lui criant que tout est de sa faute.
"C'est de ta faute, c'est de ta faute, c'est de ta faute..."
Et elle a de la peine, alors elle va le voir à travers les barreaux, plusieurs fois durant la nuit. Et ensuite, elle reste appuyée contre le mur du couloir en pleurant et en l'écoutant crier contre elle.
Quand finalement l'officier est arrivé au petit matin, Douglas était assoupi, abruti par la cachaça et fatigué d'avoir crié toute la nuit.
Carolina, n'avait plus qu'une envie, celle de fuir, loin de cet endroit, loin de son agresseur, loin de ce cauchemard, loin aussi de ce sale sentiment de culpabilité de voir son petit-copain derrière les barreaux, loin des cris lui répétant que tout est de sa faute et qu'elle paiera.
Ainsi, quand l'officier arrive, après cette nuit infernale, ce n'est pas bien difficile de faire renoncer Carolina à poursuivre Douglas en justice.
"Carolina, je viens d'aller voir Douglas. Il dit qu'il regrette. Tu veux vraiment déposer plainte?"
Silence.
"Vous pourriez le garder enfermé encore 2h le temps que je m'en aille."
"Oui, on peut."
Et voilà. Plus de papiers pénibles à remplir. Une statique de violence en moins. Tout le monde est content.
Carolina a pris la route, sans avoir dormi, pour s'enfuir. Deux heures plus tard, Douglas est ressorti libre. Libre d'aller en trouver d'autres pour les taper, jusqu'à ce qu'une devienne un numéro de plus parmi les victimes de violences domestiques.
Note: Ces évènements ont eu lieu dans le sud de l'État de São Paulo, dans la ville d'Iporanga, dans le parque estadual PETAR. Les personnes concernées par ce récit sont toutes de la capitale de l'état São Paulo.