C'est dernier jours n'ont pas été évidents ici. Il y a eu le choc des attentats, même ici au Brésil, l'ambiance fût pesante.
Puis, petit à petit beaucoup de gens sont venus me dire qu'ils trouvaient le journal raciste et islamophobe et que cela les gênait. Je me suis pas mal justifié. D'ailleurs j'y reviendrai, sur cette obligation de se justifier.
J'ai posté et indiqué un très bon article en portugais sur Charlie, qui résume bien, à mon sens, l'esprit Charlie:
http://www.diariodocentrodomundo.com.br/o-charlie-hebdo-era-racista/
Il a malgré tout fallu que je continue à me justifier et à expliquer que ce n'est pas raciste, je suis même venu à dire je ne suis pas raciste!
Il faut le dire, il y a un moment, où franchement, j'ai eu envie de dire aux brésiliens: "Mais vous me cassez les couilles!!".
Puis, je me suis calmé et j'ai un peu (pas trop quand même) pensé à ce que mes amis m'ont dit:
"Mais quand même les arabes sont considérés comme des français de seconde zone"
"Ils sont régulièrement victimes de discriminations et de racisme"
"Le changement doit venir de l'intérieur, si vous imposer le changement aux musulmans, ça ne marchera pas"
On est d'accord ou pas, il y a quand même des choses qui ont fini par pércuter,et surtout, surtout, surtout, il a bien fallu que je me rende à l'évidence: j'ai souvent tenu le même type de discourt aux brésiliens.
Il est toujours plus facile de critiquer les autres que de faire sa propre auto-critique....vieux truc de psychanalyse. Quand on commence son autocritique, ça fait (souvent) mal, on a alors tendance à arrêter et c'est surtout ce qu'il ne faut pas faire.
De fait ici, les pauvres sont presque tout le temps noirs ou métisses, comme on dit ici: "La pauvreté a une couleur". L'histoire n'est pas anodine et la prendre en considération nous montre qu'il serait plus qu'incroyable que les noirs ne soient pas parmis les plus mal lotis au Brésil, l'esclavage n'ayant été aboli qu'en 1888, et encore....
Les brésiliens aiment bien dire que le pays est tolérant (le fameux: "Brasil, um país de todos"), mais dans les faits la société brésilienne est très raciste et pleine de clichés sur les noirs, les nordestinos (habitants de la région du nord-est) et que sais-je encore. Les blagues existantes sur les noirs ou sur les nordestinos sont légions.
Une petite bande d'humoristes, plus spécifiquement Danilo Gentili, ont fait régulièrement polémique ces derniers temps car utilisant systématiquement des blagues, sur les noirs, sur les gros, sur les nordestinos, sur les femmes...
Réthorique vieille comme le monde, l'ami Gentili a dit, mais moi aussi j'ai été victime de racisme quand j'étais jeune car j'étais tout blanc et grand, on m'appelait "Palmito". Le fameux racisme anti-blanc....
De cette polémique, a surgi un excellent documentaire, pour ceux qui parlent le portugais, je ne peux que le recommander chaudement: Le rire des autres.
Ce documentaire montrait comment l'humour est loin d'être innocent et nous apprend beaucoup sur nous même. Sur qui faisons-nous des blagues? Quelles blagues? Cela a-t-il un sens, une signification?
Est-ce courageux et intéressant des ne faire que des blagues sur les plus faibles? La société, au brésil, est déjà pleine de blagues sur les noirs, sur les homos, sur les femmes, sur les nordestinos. Ces "blagues" véhiculent quotidiennement des clichés sur ces populations exclues, marginalisées ou victimes de discriminations.
Alors dans ce contexte, n'est-il pas légitime que les artistes se questionnent sur les "blagues" qu'ils font? Doivent-ils faire des blagues dans l'unique but de faire rire? C'est ce que Gentili défend, quelque chose du genre: "Moi je m'en fous de tout ça, ce qui m'intéresse, c'est que les gens rient, le reste ne me regarde pas".
En revanche d'autres artistes défendent la démarche artistique qui est derrière et le fait qu'on ne fait jamais rire, juste pour rire. En plus il est souvent plus intéressant de faire rire à l'encontre des clichés habituels, en forme de dénonciation de nos imbécilités, de nos intolérances, de nos peurs les plus irrationelles.
En cela, il me fût impossible de ne pas faire le lien avec la population musulmane ou maghrébine dirons-nous, tant la société confond à tort l'un avec l'autre. De fait cette population est victime de nombreuses discriminations, sujette régulièrement aux clichés les plus imbéciles. Mais les critiques de la religion musulmane? Qu'ont elles à voir avec cela?
Rien me direz-vous. Pas tout à fait. Il serait naïf de croire que l'on critique la religion sans que le fameux et tant récrié "amalgame" ne soit bien loin. Et c'est là tout le problème. De fait, la religion musulmane est à mettre à part, car elle ne me semble pas pouvoir, encore, être abordée de la même manière que la religion catholique.
Oui toutes les religions sont criticables (et souvent nous emmerdent à vrai dire), mais la religion musulmane est aujourd'hui de fait associée à une population marginalisée, discriminée. Une population que, de fait, la société a catalogué dans la case de "eux". Il suffit pour cela de voir Pujadas, pratiquement mettant le doigt à la figure des musulmans en leur disant: "Mais dites le bordel que vous vous déssolidarisez, dites-le, mais enfin, en tant que musulman, dite le que vous condamnez les attaques, mais enfin, dites-le bon sang..."
Oui, oui on critique la religion catholique, mais quelque part, la construction ambiante fait que mécaniquement beaucoup de monde associe intuitivement les cathos à nous. Cette association inconsciente est déjà dans la justification de la critique de l'islam: on critique l'islam, mais aussi la religion catholique (regardez, on se critique aussi et je vous laisse faire le parallèle avec le racisme anti-blanc).
Évidemment, ce n'est pas ce qu'il faudrait comprendre. Il faudrait comprendre que toutes les religions nous racontent des imbécilités semblables, que toutes peuvent nous apprendre des choses, que toutes peuvent être discutées de la même manière. Oui mais voilà, aujourd'hui, l'extrême droite a imbibé la société de sa vision haineuse et communautariste (la communauté musulmane par-ci, la communauté juive par-là, suivez les flèches, c'est par ici), la gauche a bien souvent abandonné le terrain et le PS est à des années lumières d'esquicer ne serait-ce que l'ombre d'une idée de ce qu'est être français (pourtant c'est facile, c'est écrit sur le fronton de nos mairies)
Critiquer la religion catholique c'est parfait, mais c'est moins transgressif, on se critique nous même. Alors que critiquer la religion musulmane c'est plus compliquer, c'est de fait, du fait de notre sociéte et de ses assimilations, critiquer une population qui déjà se sent exclu et discriminée au quotidient.
Pour cela, il faudrait peut-être que nous nous intérogions sur comment faire pour que cette partie de la population (10% tout de même) se sente intégrée, réellement? Que devons-nous faire, comment faire pour que nous nous sentions tous nous, et non plus "nous" et "eux".
Il me semble que ce premier pas est important et cruciale. Ensuite, on pourra critiquer la religion musulmane sans prendre trop de pincettes (voir pas du tout) puisque on ne les critiquera plus, mais nous nous critiquerons et nous nous caricaturerons (hou c'est moche ce verbe), nous français, de toutes confessions et de multiples origines.
Et nous comprendrons, qu'il n'y a pas de communautés, il y a des sommes d'individus qui parfois s'accordent et parfois se désacordent. Ainsi nous n'auront plus à nous justifier au nom d'une supposée apartenance que nous définirait à priori (ouf ça y est j'ai réussi à y revenir) et n'étant plus discriminés ou discriminants, nous serons des citoyens libres.
Libérté, égalité, fraternité.
Bref, utopisme bonjour!!