JEAN LE GUEVELLOU

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Billet de blog 29 décembre 2015

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Je vais obtenir la nationalité brésilienne, et maintenant?

J'en ai ras-le-bol des papiers et des démarches administratives, alors j'ai demandé la nationalité brésilienne. Et maintenant? Vais-je devenir un demi-français?

JEAN LE GUEVELLOU

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Imagineons que la France adopte des critères à la mode nazie, avec des certificats de bons français bien de racine de souche. En remontant aux croisés ou que sais-je. Je pense que selon ces critères là, j'obtiendrai un certificat de "bon français de souche". Mes parents, mes grands parents, mes arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-grands parents étaient français. Le "pire" qu'on pourrait trouver c'est qu'au delà d'une certaine date  (1532) mes ailleux n'étaient pas français, mais bretons. Là, j'avoue que je ne sais pas, peut-être que dans un tel système je serai peut-être français de classe 2, français pas tout à fait français, au sang un peu sale, un peu breton. Allez savoir. Peut-être que Valls pourra me le dire.

Bon, passons sur ce doute, et considérons que malgré cette souillure bretonne, j'arriverai malgré tout à "prouver" que tous mes ancêtres sont français jusqu'à la date requise par le bureau de garanti des français de souche. En plus de cela, évidemment personne n'a d'autre nationalité dans la famille. Mes parents, n'ont presque jamais voyagé. Enfant, il y avait le grand voyage annuel, la grande aventure, pour passer une semaine au ski. Et une fois, nous sommes allé dans les vosges et nous sommes allé en Allemagne. En Allemagne!!! Le truc de dingue! On a passé la frontière, on a utilisé des marks, j'ai entendu une langue bizarre, bref la grosse expérience à l'étranger.

A part cette expédition chez les teutons, rien jusqu'à mes 18 ans. 

Mes frangins, mes parents, mes cousins sont français et uniquement français. Aucune autre nationalité. 

Pour des raisons personnelles, de boulots, de la vie, je suis aujourd'hui au Brésil où je travaille. Cela fait plusieurs années que j'y suis, mais j'ai toujours lu les journaux français par internet (merci Médiapart), j'ai toujours regardé les films français qui par chance passent beaucoup, ici à São Paulo.

Et pendant toutes ces années j'ai galéré comme pas possible à cause des documents. J'ai même bossé illégalement (oui, tout les français ici ne sont pas "expats", quelques-uns sont "immigrés" et galèrent, mais ça, c'est un autre sujet).

Et maintenant, après toutes ces années j'ai le droit de demander la nationalité brésilienne, ce que j'ai fait. Car ça va carrément me simplifier la vie. Je n'aurai plus peur de perdre mon titre de séjour, je n'aurai plus à me galérer avec la paperasse qui se perd à Brasilia et qu'il faut repayer. Je n'aurai plus à faire de passage de frontière douteux pour prolonger mon séjour. 

Voilà, juste parce que j'en ai marre de perdre du temps de ma vie à faire des démarches adminsitratives complètement débiles où je doit prouver le nom de mes parents, mes adresses successives, tout ce que j'ai fait et ceci et cela et encore autre chose, "pardons on n'a pas compris, il va falloir recommencer", et blablablabla. Alors qu'au fond, j'ai juste envie de bosser tranquille, de faire ma vie peinard et qu'on ne m'emmerde pas juste parce que je suis un "immigré".

Mais maintenant, voilà pas qu'un autre "immigré", depuis devenu ministre, veut encore me faire chier. Je dis bien clairement: me faire CHIER. J'allais enfin être tranquille, pouvoir travailler tranquille au Brésil et rentrer régulièrement en France comme je l'ai toujours fait, la conscience tranquille. Car demander les papiers brésiliens n'a jamais été un cas de conscience pour moi.

Je me sentirai toujours français, c'est là que je suis né, c'est la langue que j'ai toujours parlé, toute ma famille est française et je me sens un peu brésilien aussi. Je parle maintenant cette langue, je vie ici, je mes amis ici, une copine ici et j'aime vivre ici.

Mais non, juste pour pouvoir être tranquille dans ma vie, je vais devenir un français de classe 2, voir 3. Je ne sais plus trop bien, il faudra que je regarde les tableaux classificatifs de ministère des sous-couches de français. 

Je serai un peu moins français que ma famille. Je vais devenir un français diminué. Moins digne d'être français. Et tout ceci d'une manière totalement arbitraire.

Dans le fond, c'est pas bien grave, je me doute bien que le risque que je m'expose à une déchéance de nationalité est faible... quoi que, quoi que. Peut-être que bientôt, le simple fait d'avoir demandé une autre nationalité sera vu comme un acte de traitrise. Je serai une sale merde qui a trahi le pur et beau sang français.

Mais, même si on n'arrive pas à cette extrêmité, cette petite loi mesquine a déjà fait son mal. Il suffit de relire ce texte pour le voir. J'en suis déjà à justifier de ma "francité". Et là, quand tu vois tout d'un coup, que tu viens d'un pays qui t'oblige à te justifier, ça laisse un petit goût très très désagréable. 

Mais à ce petit jeu, je ne serai pas le seul perdant. Autant vous dire tout de suite que si je suis français de classe 2, l'ami Valls, lui, ne passe pas de la classe 4. Avec un nom même pas français, un lieu de naissance hors de France et en plus il n'est même pas né français. Et oui, à ce petit jeu noséabond il y a beaucoup à perdre et pour beaucoup de monde. Ça pu un peu ce dernier paragraphe Monsieur Valls, non?

Beaucoup de mal à été fait d'ors et déjà, j'espère maintenant que cette folie sauvage va cesser. Et allez, en plus je suis beau joueur, je veux bien considérer Valls français de classe 1.

Une bise, enfin quatre. Chez moi en Bretagne ce sont quatre bises, on a de l'amour à revendre.

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