3- Analyse politique et positionnement
Pour repositionner « politiquement » le renouveau du syndicalisme républicain au sein de la Police nationale, distinguons trois grandes périodes dans l’histoire politique récente et celle de notre institution.
a) Dans les années 70, ce que la gauche républicaine appelle aujourd’hui son « paradis perdu », le clivage politique « Droite Gauche » prédomine de façon claire. L’union de la gauche va porter François Mitterand au pouvoir en 1981. Ce dernier rassemblera 72 % du vote ouvrier ! Les organisations syndicales incarnant la lutte sociale positionnent donc leur ligne politique clairement à gauche. C’est le cas, dans la Police, de la FASP (Fédération Autonome des Syndicats de Police) et de tous ses syndicats membres. La FASP durant les premières années de la gauche au pouvoir, bénéficiera de sa proximité avec elle et des avancées considérables pourront être mises à son actif.
b) Dans les années 80 et 90, après la période de désindustrialisation, une certaine « gauche » courbe l’échine vis-à-vis du libéralisme. Le monde ouvrier doute, se fragmente. S’en suit également et par voie de conséquence une fragmentation du syndicalisme et donc du syndicalisme policier.
Durant cette période, les blocs politiques principaux prennent alors une autre forme :
- d’une part, « le socialisme » s’érige en « social démocratie » qui de par la « culture de gouvernement » incarne ce que j’appelle dans mon livre le début de « l’ère des reniements »
- d’autre part l’abandon progressif à « droite », cette fois de l’échiquier politique du « gaullisme » au profit du « libéralisme » et du « social libéralisme », plus modéré.
Pendant cette « ère des reniements », les blocs syndicaux traditionnels eux aussi implosent.
La FASP qui reste sur une ligne dite « d’accompagnement » perd deux points aux élections professionnelles entre 1989 et 1992. Et par voie de conséquence, les syndicats d’extrême droite, la FPIP et le FN Police frôlent sous un gouvernement dit « de gauche » le score de 13 %.
Plus généralement dans le mouvement social, une partie du vote ouvrier se sent trahi et part au Front National. Ce parti, créé notamment par des néo nazis, s’approprie par pure propagande politique les symboles républicains abandonnés par ceux qui étaient censé, à gauche et à droite, les incarner. Ainsi, toute une génération verra en l’extrême droite le seul mouvement n’ayant aucun scrupule à mettre en avant le drapeau tricolore, l’hymne national, la notion de patriotisme ou encore « d’ordre républicain ».
Dans la Police, le nouveau Secrétaire Général la FASP et Secrétaire Général du SGP, Richard GERBAUDI impulse alors une ligne « autonome » et « républicaine ». Le SGP poursuit après le départ de Richard Gerbaudi en janvier 1994, son action sur cette « ligne politique ». Le SGP est alors exclu de la FASP qui tente même d’affaiblir ce syndicat porte étendard historique de la Police Républicaine, avec l’aide du pouvoir en place.
Cette stratégie politique conservatrice et d’alignement de la sa perte. L’affaiblissement du PS ayant pour corollaire logique l’affaiblissement de la FASP.
Le SGP, lui, sur sa ligne « Républicaine », syndicat à l’origine uniquement « parisien » de la FASP, étendra son influence au niveau national. Une expansion historique concrétisée au Congrès de Narbonne, en décembre 1998 et la création de la Centrale Unitaire de la Police.
La FASP ne survivra pas au départ du SGP et d’une partie des « cadres » syndicaux du SNPT, syndicat également membre de la FASP et représentant la police en tenue de province. Elle sera dissoute. Le SGP, lui, obtiendra, malgré les nombreux recours intentés par les syndicats membres de la FASP en connivence avec l’administration pour l’empêcher de se présenter aux élections professionnelles, un très bon score en province et un résultat encore inégalé sur le SGAP de Paris ( Paris et les trois départements de la petite couronne).
Face à ce renouveau républicain national dans le syndicalisme policier, l’extrême droite dans la police recule et perd trois points lors de ces dernières.
Lorsque la République résiste, l’extrême droite recule !
Là encore, pour avoir adopté une bonne « ligne politique », le SGP sera à l’origine, par son plan « Plus tu restes, plus tu gagnes », de la « fidélisation des fonctionnaires en zone difficile ». Ce qui « ne » fut à l’époque qu’une expérimentation au sein du service public de sécurité fut ensuite élargi à d’autres services publics.
Qui sait aujourd’hui que cette avancée sociale a été, aux origines, initiée par un syndicat de police, ou plus exactement par son conseil d’administration, réuni pour la cause dans un haut lieu de la résistance, à Peronne, en Picardie ?
A chaque fois qu’une organisation adopte une bonne ligne politique « républicaine », c’est non seulement bienfaiteur pour elle et son devenir, mais aussi, c’est toujours synonyme d’une avancée sociale conséquente. C’est sur la même matrice qu’ont toujours été élus, même par défaut, nos Présidents de la République. Une matrice républicaine qu’ils ne respectent plus une fois au pouvoir.
Conséquences politiques de l’ère des reniements : Lionel JOSPIN le 21 avril 2002, vingt ans après l’élection de François Mitterand, bénéficiera d’un vote ouvrier aux élections qui ne sera plus que de 13 % !!!
Il sera éliminé dès le premier tour de la présidentielle. Un résultat qui aurait du servir d’exemple. Il n’en sera rien. Au contraire, les appareils sociaux démocrates vont progressivement se convertir au libéralisme !
c)Des années 2000 à nos jours :de la « social démocratie » au « illibéralisme » : Les passerelles entre les lignes politiques qui résultent de l’ère des reniements sont désormais étroites. Les génériques « démocratie » et « république » sont galvaudés et adaptés au besoin du système capitaliste. Du concept de « démocratie », un glissement s’opère, quelles que soient les politiques publiques, vers celui de « social démocratie », puis celui de « démocratie libérale ». Et les syndicalismes d’abord « réformistes » puis « d’adaptation » se fondent, sans distinction aucune, dans cette nébuleuse réactionnaire et conformiste.
Le syndicalisme policier va se morceler au sein d’un conglomérat d’appareils et va peu à peu, malgré les réticences de nombreux militants (es)en interne abandonner le combat républicain au sein de la profession. Fini le SGP de Rigail, de Rouve, de Chaunac, de Monate, de Deleplace ou de Gerbaudi ! Terminé le combat contre l’extrême droite et les déclarations historiques des SG du SGP pour la défense des valeurs ! Un glissement dangereux et une « désertion » qui aboutissent fort logiquement à l’abandon honteux du sigle SGP en 2024 par celles et ceux qui étaient pourtant censé incarner son histoire.
Le syndicalisme incarné par « Alliance », lui, reste cohérent avec sa ligne et ses statuts qui énoncent clairement que cette organisation a été créée pour faire face au monopole de la FASP.
Mais le syndicalisme qui était censé s’opposer à Alliance fait au contraire du mimétisme et tente de lui ressembler en s’abstenant sur les combats républicains et en basculant exclusivement dans le « tout corporatiste ». Il n’a plus aucun signe distinctif, plus aucune ligne syndicale propre.
De fait, se tirant une balle dans le pied, ces deux organisations soutiendront à l’unisson, parfois par manque de culture politique et inconsciemment, les différentes lois portées par le libéralisme (performance, loi de sécurité globale) et ce, malgré nos conseils, au détriment du métier et pour le plus grand bonheur des libéraux au pouvoir.
Les interventions syndicales dans les médias, pour leur part, ne portent plus que sur la forme et les faits d’actualité. Les syndicalistes se muent en ceux que je nomme « les Pathé Marconi » du système dominant.
Malheureusement, il y a fort à parier qu’entre l’original et la copie, les policiers choisiront, en décembre 2026 (date des prochaines élections professionnelles dans la police) l’original !
part 4 / 5 à suivre