TRIBUNE DU 17 JUILLET 2020
Bonjour à toutes et à tous
Le 10 Mai dernier, je publiai ma première tribune.
Elle fut publiée ensuite sur le J.D.D
Je me suis exprimé au titre de Police République et Citoyenneté ( P.R.C.) et non, bien sûr , en tant que syndicaliste. Pour rappel, le collectif P.R.C. créé il y a deux ans à peine rassemble des citoyens, des policiers actifs ou retraités issus de tous les grades et de tous les corps de l’institution.
Face aux probables conflits sociaux importants qui se préparent, compte tenu de la crise multidimensionnelle que nous sommes en train de traverser et qui va s’amplifier, il fallait prendre date.
J’ai donc plaidé au sein de cette tribune pour un changement de doctrine du Maintien de l’ Ordre, un plan massif pour le service public de sécurité et le service public en général.
Les principes que j’ai évoqué au sein de cette première tribune étaient clairs :
- Le Service Public de Sécurité souffre des mêmes maux que tous les Services Publics
- La doctrine de Maintien de l’Ordre doit être une doctrine de Paix et non de guerre et l’usage de la force légitime qui doit être graduée, proportionnée, doit être utilisée en dernier recours. Il faut privilégier la gestion démocratique des mouvements sociaux. Une manifestation de voie publique, ce n’est pas la bataille de Stalingrad. Les policiers ne sont pas des mercenaires ou des parachutistes qui sautent sur Kolwesi
- Il est important de rapprocher la police de la population. La Police nationale est issue du peuple. Elle n’a pas à se dissocier de ce dernier.
- Enfin, la Police Nationale n’est ni de gauche ni de droite. Elle est au service du peuple de France et de l’intérêt général. Elle n’est pas une garde prétorienne au service d’un intérêt particulier. A ce titre, conformément au Code de Déontologie, les Gardiens de la paix doivent désobéir à des ordres dès lors que ces derniers ne sont pas respectueux des Droits de l’homme et du citoyen
Après cette tribune, beaucoup de choses se sont passées.
D’autres tribunes ont été publiées sur la page du collectif, des voix se sont élevées afin de démontrer que la Police Républicaine existe , et ce depuis les heures de gloire de ces héros, ces résistants qui firent face à la collaboration et à l’occupant nazi, existe. De tous temps, elle a su faire entendre sa voix. Et elle le fera encore. « La voix qui monte des fers parle pour les lendemains »
Oui beaucoup de choses se sont passées …
Depuis cette tribune, mon troisième bouquin « Police en Péril » est sorti et je n’ai eu de cesse dans le cadre de la promotion de ce livre de faire des propositions et de marteler les principes évoqués précédemment.
J’ai assisté comme vous à ce pitoyable spectacle opposant pro-flics et anti flics primaires. J’ai assisté ébahi à cette médiocre sortie de l’ancien ministre de l’intérieur qui a mis le feu aux poudres au sein de la profession et ce , de façon tout à fait surprenante, mais compréhensible.
Mais j’ai mis en garde les militants. Ne soyez pas dupes ! Ne tombez pas dans le piège de la provocation ! Ne faites pas le lit des extrêmes. En clair, n’en rajoutez pas ! Les problèmes de la société ne se résument pas à un affrontement entre la Police et la Jeunesse ou la Police et la Population. Les problèmes de la Police ne se cantonnent pas à des techniques d’intervention, des gamelles et des bidons. .
La police nationale n’est ni un vide grenier ni une brocante ! Où l’on fait du neuf avec du vieux Elle mérite bien mieux que ça !
Lors de toutes mes interventions, j’ai, avec d’autres, appelé de mes vœux une nouvelle Loi d’orientation et de programmation sur la sécurité. Des propositions ont été énoncées :
1 - Comme pour le domaine de la santé, il faut recruter des effectifs et mieux répartir les tâches, donner les moyens aux policiers de faire leur travail, revaloriser les salaires et travailler à un véritable statut social pour tous .
2- Les peines à l’encontre des agresseurs de policiers , de pompiers de gendarmes ou de tout dépositaire de l’autorité publique doivent être beaucoup plus sévères. Comme indiqué dans mon ouvrage, il existe deux dérives dans le domaine de la sécurité. La dérive ultra répressive et la dérive laxiste, celle des « flics nounous » à qui l’on demande d’être des assistantes sociales. Cette dérive, récemment incarnée par Christiane Taubira, conduit irrémédiablement à un retour à l’ordre brutal. La sécurité publique et républicaine ne vaut que si l’on pratique le juste milieu entre prévention et répression.
3- Un tronc commun de formation doit permettre à tous les policiers ne mieux appréhender le travail de l’autre et d’initier un nouveau management, humaniste et non plus seulement gestionnaire.
4- Les Quartiers de Reconquête Républicaine (Q.R.R) doivent être étendus à l’ensemble des zones prioritaires définies par la politique de la ville.Des Délégués sécurité à la cohésion doivent être nommés au sein de chacun de ses « Q.R.R. » A charge pour eux de mettre en place au plus près du terrain des Comités Consultatifs de Citoyens. Les politiques locales de sécurité doivent être plus proches de la réalité sociologique de notre société
5- Il faut réformer et renforcer impérativement les services de renseignements qui doivent redevenir la base de la refondation de la Police Républicaine du 21ème siècle. Comme un médecin a besoin d’actes techniques et de radios pour poser un diagnostic , la Police a besoin de connaître le réel d’un quartier ou d’une situation donnée pour poser la bonne préconisation.
6- Il faut en finir avec l’engorgement bureaucratique du système judiciaire. Les enquêteurs passent désormais plus des deux tiers de leur temps à remplir des papiers, au détriment de l’enquête ou de l leur présence sur le terrain. Près de 50 % des plaintes contre « x » sont classées sans suite. Il est urgent de rendre plus attractif le service d’investigation , de le moderniser par les outils du numérique et de l’oralisation. Le judiciaire dans la Police, aujourd’hui, est trop souvent un déni de justice.
7- Il faut opposer à cette stupide culture de la performance, de l’immédiateté et de la suspicion permanente la culture de la qualité et de la transparence. Le nouveau ministre doit mette en place, comme cela se fait en Grande Bretagne ou en Belgique, un nouveau service de Défense des droits et de contrôle indépendant de l’exécutif et responsable devant le parlement Ce service, impartial, composé de policiers et de non policiers, pourrait être déconcentré à l’échelle régionale et pourrait donc intervenir et enquêter rapidement Il serait un gage de transparence
A ces fins, il faut fusionner l’ I.G.P.N et le défenseur des droits en une seule et même institution indépendante , laquelle pourra également être saisie par tous les policiers ce qui leur permettra, lorsqu’ils sont accusés à tort et –ou- également victimes de discriminations de mettre fin aux fausses accusations dont ils sont l’objet. Cette institution veillera au respect des Droits et des Libertés. Une garantie citoyenne conforme à l’article 71-1 de la Constitution
En finir avec cette culture de la performance qui prévaut aujourd’hui au sein de la « grande maison » est un impératif démocratique. Car cette course au chiffre, aux faits élucidés, est inefficace. Elle est source de tensions supplémentaires et fomente les risques de la dérive ultra répressive.
Cette culture du résultat, ce new management, ce médiocre modèle américain que j’évoque également dans mon livre est un modèle ultra libéral qui n’est pas le notre et qui privilégie le techno-solutionnisme, la techno bureaucratie, la sécurité des « poupées russes » qui multiplie les polices et privatise à tout va. Un modèle qui engendre de par la fracture sociale dont il est responsable les communautarismes, les « Bronx » bien de chez nous, ces territoires perdus de la république sur le 93, à Dijon ou ailleurs, abandonnés et désertés par tous les services publics. Comme si les forces de sécurité publique pouvaient à elles seules résoudre tous les maux qu’elles subissent également à titre privé. Le Service Public de sécurité pour être efficace a besoin d’une coordination avec tous les autres services publics nécessaires (éducateurs spécialisés, service de santé de proximité, poste, sports et loisirs, éducation populaire, MJC et centres sociaux, lieux de réunion, etc…)
Par ailleurs, et pour être respectée, la Police Nationale doit être respectable. Les gardiens de la paix , tous les policiers n’ont rien à perdre à changer de modèle. Bien au contraire. Il est injuste que pour quelques brebis galeuses minoritaires qui déshonorent le métier, des services entiers, par convenance politique, soient dissous.
Cette semaine, un quotidien s’est fait l’écho d’un cas que curieusement personne ne condamne. Un cas pourtant plusieurs fois évoqué dans la presse. Un commandant de C.R.S. mis en cause, plusieurs fois, je cite, pour son « zèle agressif »
Le comportement violent de ce commandant fut déjà dénoncé lors des manifestations contre la loi travail de 2016, dite Loi El Khomeri Il fut ensuite accusé de frapper trois semaines plus tard un manifestant à terre . Une autre vidéo tournée en 2017, le montrerait en train de courir après des supporters sur les champs Elysées « frappant aléatoirement des passants alors qu’il se trouvait seul en avant de ses troupes » Le 20 Avril 2018 à l’aube, il dirige l’opération d’évacuation musclée de l’université de Paris Tolbiac occupée par les étudiants. Le 1er décembre 2018, le même commandant serait impliqué dans l’opération, pour ne pas dire la bavure du Burger King à Paris qui a défrayée la chronique Le 27 janvier, il apparait à nouveau dans un reportage du Parisien qui relate les manifestations des Gilets Jaunes. Ensuite, on accuse le même commandant d’une violente agression par derrière d’une gilet jaune venue d’Amiens, le 20 Avril 2019, à Paris. Elle se prénomme « Mélanie » Elle donnera un entretien à France 3 six jours après.
A ce jour, aucune sanction ne semble avoir été prise, aucune voix ne semble s’être élevée dans les rangs de la police républicaine pour dénoncer ce commandant. Bien au contraire, déjà détenteur . depuis 2003 de l’ordre national du mérite, il a été décoré en 2018 de la légion d’honneur et en 2019 de la médaille de la sécurité intérieure
J’évoque un cas similaire dans « Police en péril » contre lequel cette fois, un syndicat , Unité S.G.P Police s’est élevé mais n’a pas été entendu par l’administration. Je fais ici référence à la mort de Steve Mai Canino , le 22 Juin 2019 et du chef de troupe qui commandait ce soir là l’intervention de nos collègues .
J’aurai pu parler aussi de ce policier qui commandait les C.R.S. auteurs des tirs ayant tué Zineb Redouane à Marseille le 1er septembre 2018, également décoré de cette médaille destinée, je cite « à récompenser les services particulièrement honorables notamment un engagement exceptionnel…et à récompenser les actions revêtant (je cite toujours) un éclat particulier »
En début de semaine, à Gruissan, station balnéaire de notre belle côte audoise, un cimetière a été profané, des tombes ont été saccagées et ornées de croix gammées. L’horreur !
Le quotidien qui a évoqué le cas de ce commandant de C.R.S. fait également état de son passé quelque peu controversé C’est le moins que l’on puisse dire. Le journal évoque des agressions sexuelles et des chants nazis, des rites humiliants pour les nouveaux venus au sein de la compagnie 21 à Saint Quentin, dans l’ Aisne. Une compagnie ou était en poste le même officier. Ce qui ne l’empêche pas hier d’être une nouvelle fois en première ligne le 14 juillet , aux ordres du Préfet Lallemend pour assurer le service d’ordre de notre fête nationale .
Alors de deux choses l’une !
Où toutes ces histoires honteuses pour l’institution véhiculées par la presse sont erronées auquel cas il faut mettre un terme à cette délation . Soit elles sont avérées, auquel cas elles démontrent que la « déguelasserie » est devenue un symbole de compétence au sein de la Police Nationale.
Si tel est le cas, je ne comprends pas du tout le silence complice de celles et ceux qui à tous les étages couvrent de tels agissements. Si tel est le cas, toute la chaîne de commandement y compris au plus haut niveau doit être sanctionnée -et non promue- pour avoir soit donné des ordres illégitimes, soit fermé les yeux sur des comportements indignes du métier de policier.
Le Président dans son allocution du 14 juillet a été très clair : Il ne changera pas de Cap, il changera juste de chemin. Le premier ministre a été également très clair dans son discours de politique générale à l’assemblée nationale. Il doit être mis fin aux régimes spéciaux ! Ces deux interventions devraient faire réfléchir dans la police les partenaires sociaux. Les trois organisations syndicales qui dans le domaine de la santé ont signé les accords de Segur risquent fort d’être totalement désavouées par leur base. Une base dont les représentants ont pour 50 % d’entre eux, rejeté ces accords. Une base que les syndicats ne maîtriseront plus, qui va les considérer comme des « jaunes », qui ne leur fera plus confiance.
Ce qui se passe et va se passer dans le domaine de la santé doit donc servir de leçon aux syndicats au sein de la Police Nationale. Dans le domaine de la santé, ce sont près de 35 000 personnels qui ne bénéficieront pas de l’augmentation annoncée. Notamment, ce qui est honteux et scandaleux ceux qui évoluent dans le domaine du handicap . Et le personnel de santé reste l’un des plus mal payé d’Europe. Le 14 juillet, ils étaient peut être une vingtaine de figurants sur les champs Elysées à lui rendre un hommage bien mérité. Mais ils étaient près de 15 000 dans les rues l’après midi pour dire non à cet accord qualifié sans doute un peu exagérément « d’historique » par notre nouveau premier ministre catalan.
La Police Nationale mérite mieux qu’une aumône pour les uns ou pour les autres. Comme le personnel de santé l’exige, elle doit avec lui, exiger ce qui lui revient
Permettez moi pour conclure de vous citer un extrait d’une ancienne affiche du Syndicat Général de la Police. Elle date d’environ une trentaine d’années. Elle reste tristement d’actualité et mérite vraiment amis syndicalistes, toute votre attention .
« Agissons ! Lorsque les sans travail, les sans revenus, les sans secours, les sans abris, les sans illusion, les sans syndicats, les sans partis en auront assez d’être bercés de promesses sans fondement et sans lendemain…. lorsqu’il ne restera plus rien que la fuite en avant, on appellera la police. Mais la Police est composée de travailleurs qui côtoient tous les jours la misère des Français, qui dans leur famille comptent des chômeurs et des R. mistes. Quant bien même ces policiers voudraient-ils s’opposer à une vague de mécontentement déferlant sur le pays qu’ils ne le pourraient pas. ..Les citoyens sont en effet trompés chaque jour un peu plus sur l’ état du pays mais aussi celui de leur sécurité. La Police n’a pas les moyens de protéger les Français. »
Voilà je sais j’ai été un peu long mais que voulez vous. Je préfère pour ma part le fond que les « doigts levés » et les « tweets mitraillettes » . C’est sur des fondations et avec des matériaux solides que l’on construit un édifice pas sur des artifices superficiels , opportunistes et toujours éphémères .
Et que l’on ne s’y méprenne pas ! J’espère que ce gouvernement va réussir. Mais pour qu’il y parvienne, il doit changer de cap et non de chemin. Il doit être porteur d’une véritable alternative républicaine. Parce qu’il en va de notre démocratie et que nous risquons à moyen terme ce que je nomme dans mon livre « le Grand Chaos ». Pour éviter que la crise sociale ne dure et ne s’aggrave, le rôle des contre pouvoirs républicains n’est pas de jouer au « béni oui oui » et de se vendre par lâcheté ou par confort . Il est de résister, d’être solidaire, de se battre, de secouer le système pour lui imposer avec le peuple de France ce changement de cap impératif pour notre devenir et celui de nos enfants
Bonnes vacances à celles et ceux qui ont la chance de pouvoir en prendre. Et surtout, bon courage à celles et ceux qui bossent