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Billet de blog 1 février 2016

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"Il faut imaginer Sisyphe heureux"...

« Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde...

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« Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. » (Le Mythe de Sisyphe, p-198, NRF, Gallimard, 1965)

La conclusion de cet essai d’Albert Camus tend vers une interprétation non pas aveuglément optimiste, mais résolument encourageante du combat. La « fidélité supérieure » qu’évoque Camus est celle qui consacre l’opiniâtreté et l’inéluctabilité. En ces temps incertains et menaçants pour la démocratie, la citoyenneté et la transparence, où, étonnamment le récit posthume des années de vache enragée du très grand Ernest Hemingway, dans les années 1920 à Paris, A Moveable Feast, publié en 1964 sous le tire surprenant de Paris est une fête, suscite un grand engouement auprès des parisiens légitimement meurtris par la barbarie et le terrorisme, il serait rassurant que Le Mythe de Sisyphe prît également la forme d’un recours, auprès duquel se ressourcer, pour parler contemporain. Car, si le capitalisme sauvage, en situation d’échec patenté, et la confiscation du droit, de la liberté, de la démocratie et de l’information repoussent inexorablement le rocher des citoyens-sisyphes vers le bas de la montagne, il convient que l’abnégation, le courage et la volonté de ce même Sisyphe constituent des références pour continuer le combat contre de multiples ennemis. Le présidentialisme en est un, de taille, conçu comme une gigantesque farce qui donne l’illusion du respect de la démocratie, alors qu’il n’est qu’une insupportable perpétuation de la monarchie et du mépris le plus total des électeurs et des citoyens, puisqu’il les prive totalement des aspirations qu’ils ont manifestées en votant. 

Le choix d’une politique aux antipodes des engagements en est un autre. En d’autres termes la trahison qui conduit à céder aux exigences toujours plus indécentes d’un patronat, qui prône un retour au dix-neuvième siècle, alors que ses dirigeants sont beaucoup plus grassement rétribués que leurs homologues européens et que leurs entreprises sont moins compétitives. Ainsi que la trahison qui consiste, à des fins purement électoralistes, à mettre en pratique une politique d’extrême-droite, à travers l’état d’urgence, qui n’a servi qu’à importuner d’honnêtes militants alors même que les terroristes courent toujours, et par le biais de la honteuse déchéance de nationalité puisée dans le régime de Vichy. Il faut donc lutter toujours et encore, résister comme Sisyphe. Mais il faut aussi s’informer et informer. Or les menaces qui pèsent lourdement sur l’information  étaient déjà dénoncées par le même Albert Camus dans Combat, en septembre 1944 :

« Il faut bien que nous nous occupions aussi du journalisme d’idées. La conception que la presse française se fait de l’information pourrait être meilleure, nous l’avons déjà dit. On veut informer vite au lieu d’informer bien. La vérité n’y gagne pas. »

A cette constatation toujours d’actualité soixante-douze ans plus tard, il convient d’ajouter la prise en considération d’un autre fléau, la main mise sur l’information par le pouvoir politique et les puissances économiques. L’émergence des lanceurs d’alerte est une preuve concrète parmi beaucoup d’autres que bon nombre de journalistes, dans les media de la presse industrielle, sont empêchés de faire correctement leur travail.

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