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Billet de blog 1 décembre 2016

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La première «manif» de François Fillon

En règle générale quand on manifeste et quand on descend dans la rue c'est pour protester contre un pouvoir d'oppression, François Fillon, lui, a manifesté, à quatorze ans, pour exercer ce pouvoir...

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Lors du débat, entre François Fillon et Alain Juppé, qui a précédé le second tour de la primaire de la droite et du centre, un des journalistes a malicieusement demandé aux deux candidats s’ils avaient déjà manifesté. Outre l’embarras engendré par cette question, ce qui a été étonnant, tout d’abord, ce fut la convergence de l’un et l’autre pour dire qu’ils avaient manifesté, en 1984, pour la liberté de l’enseignement (étrange conception de la liberté que de manifester pour que des fonds publics alimentent des écoles privées…). Mais c’est la première réponse de François Fillon qui est riche d’enseignements, si l’on ose dire en l’occurrence, et qui n’a guère été commentée à ce jour. En effet, François Fillon a répondu : « J’ai manifesté une première fois, à quatorze ans, pour faire virer un professeur d’anglais que je jugeais incompétent ». Voilà une déclaration qui mérite amplement plusieurs remarques.

Tout d’abord, cette phrase montre indéniablement un certain esprit consumériste, c’est-à-dire que les matières enseignées et, surtout, celles et ceux qui les enseignent, sont, dans l’esprit du candidat de la droite, des produits à l’instar de ceux que l’on peut trouver dans une grande surface ou un commerce de proximité. Et si l’emballage ne plaît pas, la liberté du consommateur est de choisir immédiatement un autre « produit », les enseignants qui font énergiquement et souvent héroïquement leur travail tous les jours, dans des conditions parfois difficiles, apprécieront cette assertion féodale, révélatrice d’un état d’esprit condescendant. 

Ensuite cette phrase est la marque de la progéniture d’une classe aisée, qui a tout et veut obtenir davantage. Même si l’enseignant auquel Fillon a fait allusion n’était pas fait pour cette tâche, ce qui est possible, c’est, dans un système démocratique, de la responsabilité de sa hiérarchie et de celles et ceux qui l’ont formé. Tout autre forme d’intervention relève de la société de castes. Imagine-t-on un élève de quatrième ou de troisième (c’était le niveau de François Fillon à l’époque) dans une petite ville de Corrèze, de Haute-Loire ou dans un collège de Seine Saint-Denis faire virer un enseignant qu'il juge incompétent ? La réponse est, bien évidemment, facile à formuler car, dans ces trois lieux et ailleurs aussi, les enseignants incarnent l’espoir de sortir de sa condition sociale et intellectuelle et non pas une sous-catégorie de « gens de maison ». 

Enfin, cette phrase, décidément incroyablement méprisante, appelle un ultime commentaire. François Fillon, en mentionnant cette première action de « gauchiste », s’est érigé en juge et s’est arrogé avantageusement le droit d’évaluer la compétence de celui qui avait pour mission de le former. Mais de quel droit ? Et en vertu de quelle compétence ? Et, surtout, serait-on tenté de dire, avec quel effet ? Car le niveau de compétence de François Fillon en anglais ne semble pas avoir évolué depuis cinquante ans si l’on en juge par cette déclaration faite à Washington, en 2008, dans laquelle le candidat, tel « ze Franche touriste in London », assassine la prononciation de notamment country, magnificent, admire (diphtongue ai massacrée)et enormously (prononcé « énourmousseli »). Peut-être François Fillon aurait-il dû manifester pour faire virer tous les autres professeurs d’anglais qu’il a eus devant lui depuis l’âge de quatorze ans, et, comme il a épousé une galloise et que son anglais est toujours aussi pathétique, la question, qui se pose aujourd’hui, est : faut-il virer Penelope  ?

My very good fillon english © abcdetc

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