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Billet de blog 3 février 2012

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Guerre des Malouines : saison 2 ?

Photo Sergio Goya / AFPA l’instar des séries télévisées, des plus médiocres aux plus affligeantes, la navrante guerre des Falklands, des Malouines ou de las Malvinas, selon le choix linguistique, pourrait faire l’objet d’un remake, qui, pour l’heure, n’a rien de cinématographique.

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Photo Sergio Goya / AFP

A l’instar des séries télévisées, des plus médiocres aux plus affligeantes, la navrante guerre des Falklands, des Malouines ou de las Malvinas, selon le choix linguistique, pourrait faire l’objet d’un remake, qui, pour l’heure, n’a rien de cinématographique. Les esprits s’échauffent à Londres et à Buenos Aires depuis quelque temps, et, à environ 11.000 kilomètres de distance, on se montre mutuellement ses muscles, on commence à s’apostropher. Outre le fait qu’avril 2012 verra le trentième anniversaire de la guerre de 1982, l’origine officielle du conflit actuel demeure obscure et curieuse.

Le gouvernement argentin reproche au gouverneur des Falklands et, donc, à la coalition conservatrice de David Cameron, de laisser les navires et les avions qui arrivent à Port Stanley arborer le drapeau des Falklands, c’est-à-dire un fond bleu avec l’Union Jack, en haut à gauche et le blason de l’archipel, en haut à droite, qui affiche, suprême provocation, le bleu ciel et le blanc du drapeau argentin, ainsi qu’un mouton, emblème que les argentins considèrent comme une exclusivité. La très liftée présidente argentine, Cristina Kirchner, a flairé, là, une superbe occasion de  détourner l’attention de ses concitoyens des problèmes économiques en cours.

Au nom de la ferveur patriotique présumée, elle a imposé le blocus des vaisseaux battant pavillon des Falklands. Elle a réussi à obtenir la même décision des pays voisins. Et elle a interdit le survol du territoire argentin par l’unique compagnie aérienne chilienne, dont les avions relient Santiago à Port Stanley. Comme le premier ministre britannique ne voulait sans doute pas être en reste dans cette escalade, il a accusé Cristina Kirchner de visées colonialistes et a dépêché un bâtiment de la flotte de sa majesté, HMS Dauntless (déjà un excellent choix sémantique, puisque dauntless signifie intrépide), qui ne serait envoyé que pour la routine.

Pour compléter le tableau le prince William, sans doute las d’inaugurer les chrysanthèmes et de participer aux thés dansants du royaume, est arrivé sur place, en tant que pilote d’hélicoptère de la RAF, à la tête d’une équipe de surveillance qui doit rester six semaines. La presse argentine a aussitôt ironisé sur l’arrivée du prince dans son uniforme de conquérant, insupportable provocation qui surgit après la sortie du film consacré à Margaret Thatcher, véritable hagiographie qui met très mal-à-l’aise la presse britannique et une grande partie de la classe politique et qui réduit à sa plus simple expression la honteuse bouée de sauvetage électorale que fut la guerre de 1982.

Cependant, mis à part David Cameron, qui, après avoir surfé sur l’anti-européanisme, est prêt à jouer sur le nationalisme de bas étage, et Cristina Kirchner, pour les mêmes raisons, ces passes d’armes intéressent peu monsieur-tout-le-monde à Londres et, surtout à Buenos Aires, comme le montre cet article publié dans The Observer, le 28 janvier. La journaliste de l’hebdomadaire britannique a certes trouvé quelques jeunes argentins nationalistes qui clament La Malvinas son Argentinas, mais une très grande majorité n’a jamais entendu parler de la guerre de las Malvinas, et encore moins des 357 victimes argentines. Les préoccupations quotidiennes sont ailleurs. Tamara Florin, née en 1981 et auteure d’un documentaire sur les Falklands, est plus réaliste : The people eat fish and chips, they have dinner at six p.m. They’re British. Les gens mangent des fish and chips, ils prennent le repas du soir à six heures, ils sont Britanniques.

Le syllogisme est pittoresque, mais superficiel et fort discutable, car tout habitant des Corbières amateur de choucroute pourrait devenir un alsacien potentiel, mais il montre surtout l’indifférence d’une majeure partie de la population. Margaret Thatcher, au plus bas dans les sondages en 1982, s’était précipitée sur le prétexte de l’invasion des Falklands par la junte militaire argentine pour se refaire une santé. L’explication officieuse, en 2012, pourrait être plus économique : en 1995, une initiative conjointe du Royaume-Uni et de l’Argentine avait donné lieu à une exploration du bassin maritime de l’archipel. L’Argentine s’est retiré de l’aventure en 2007. Or, les prévisions font apparaître un potentiel de 60 milliards de barils de pétrole. Les Britanniques ont commencé les forages en 2010, de quoi agacer les Argentins et aviver leurs regrets…

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