
Alan Rusbridger, rédacteur-en-chef des publications du groupe Guardian Newspapers © Nick Carter
Meilleur journal, meilleur site et meilleurs journalistes d’investigation, c’est la triple récompense que le quotidien britannique The Guardian a reçue pour l’année écoulée. Ce sont les membres de la Society of Editors qui ont décerné ces trois prix, lors de leur réunion annuelle, à Londres, le mardi 1er avril 2014, ce qui n’a strictement rien d’une plaisanterie. Meilleur journal, la décision a été prise au vu de la couverture des révélations faites par les lanceurs d’alerte et relayées par le Guardian sur la surveillance des états mise en chantier par la NSA. Les juges ont justifié leur choix ainsi : the Guardian broke a story of global significance that went to the heart of the debate on press freedom. The fact that the coverage polarised opinion even within the press showed how important it was. The job of a newspaper is to speak truth to power and the past year has seen the Guardian do this with will and verve.
Lisez : « le Guardian a révélé un événement de portée mondiale qui est allé au cœur du débat sur la liberté de la presse. Le fait que la couverture de cet événement ait polarisé l’opinion même au sein de la presse a apporté la démonstration de son importance. Le travail d’un journal est de dire la vérité face au pouvoir et pendant l’année écoulée c’est ce que le Guardian a fait avec volonté et avec brio ». C’est le rédacteur-en-chef des publications du groupe Guardian Newspapers qui englobe le Guardian et l’Observer et leurs sites respectifs, Alan Rusbridger, qui a reçu les récompenses, au nom du Guardian, et qui, avec son élégance habituelle et naturelle, n’a pas oublié d’associer ProPublica et le New York Times, ainsi que Edward Snowden dans les éloges reçus. Il a également dédié cette triple reconnaissance professionnelle à Georgina Henry, disparue récemment et brutalement à l’âge de 53 ans et qui avait lancé, en 2006, Comment is Free sur le site du Guardian, rubrique hautement novatrice et remarquable qui ouvre ses colonnes à des acteurs, illustres ou pas, de la société britannique.
La deuxième récompense pour le Guardian visait plus particulièrement the guardian.com, le site du quotidien, qui est sans doute, avec celui du NYT, le meilleur site de langue anglaise au monde. On peut ici voir ce qu’est la version traditionnelle de ce site, ainsi que la nouvelle formule, intitulée, Beta, qui sont, l’une et l’autre d’une clarté, d’une richesse et d’une variété sans égal. Le seul petit reproche que l’on pourrait faire à la version papier et au site est la difficulté bien ancrée dans la société britannique de s’ouvrir vers l’Europe. Sur le site, on trouve nombre de liens, News, UK, World, Comment, Culture, Business, entre autres mais Europe jamais. La Society of Editors a loué, en particulier, la couverture humaine, utile et solidaire, par les journalistes du site, des affres de la famille Holmes prise au milieu d’un ouragan en Tasmanie.
Meilleurs journalistes d’investigation, Rob Evans et Paul Lewis ont révélé comment la police britannique, au lieu d’enquêter pour trouver le ou les coupables du meurtre de l’adolescent Stephen Lawrence, espionnait la famille de ce même adolescent. Quant à Patrick Kingsley, il a été élu meilleur jeune reporter de l’année, grâce à ses enquêtes sur les frères musulmans en Egypte et sur les crimes commis par le pouvoir militaire dans ce même pays. Ces trophées ne sont que justice pour un journal qui ne montre aucune complaisance avec le pouvoir en place, qu’il soit travailliste ou conservateur, et qui privilégie la recherche de la vérité et l’information complète des lecteurs. La liste des récompensés est à retrouver ici.