La première épouse de John Lennon, Cynthia, est morte comme elle avait vécu, à l’écart des projecteurs braqués sur les Beatles, et dans une ombre imposée puis acceptée. La presse britannique n’a pas été plus indulgente avec son souvenir, puisque le Guardian, le Telegraph et l’Independent ont relégué l’information en pages intérieures. L’actualité est sévère aussi puisqu’elle est morte le 1er avril d’une part, et deux jours après le début de la campagne législative d’autre part. Cynthia Powell était née de l’autre côté de l’estuaire de la Mersey, à Holylake quartier plutôt chic à l’époque sur la péninsule de Wirral à l’ouest de Liverpool, dans une famille middle-class recomposée, fait rare pour l’époque, mère au foyer et père employé de la GEC, General Electric Company. La petite enfance ne sera pas synonyme de calme et de sérénité, car c’est le début de la guerre et Liverpool sera une cible fréquente des bombardements aériens effectués par les nazis.
La vie ne sera décidément pas toujours rose pour Cynthia. En 1956, son père meurt et elle doit subvenir à ses besoins et trouver un emploi. Elle en trouvera plusieurs successifs et, parallèlement en 1957, elle est admise au Liverpool College of Art où elle fait la connaissance d’un autre étudiant, John Winston Lennon, né lui en 1940, ce qui explique le choix du deuxième prénom. Il n’y a pas vraiment coup de foudre immédiat mais plutôt une attirance mutuelle développée à travers un cheminement chaotique. Car, si l’on en croit Hunter Davies, auteur de The Beatles: The Authorized Biography (1968), qui a rassemblé de nombreux témoignages d’autres étudiants et d’enseignants du LCA, John Lennon, en 1957, n’a pas encore appris et mis en pratique la notion de peace and love et se montre jaloux et violent verbalement et physiquement avec cette jeune blonde superbe qui ressemble à une Bardot britannique et qui est très douée pour le dessin.
Néanmoins commence en 1959 une vie commune assez harmonieuse. En 1962 Cynthia est enceinte de Julian et le couple se marie. La vie conjugale va durer jusqu’en 1968 mais sera semée d’embûches et de forts désagréments pour Cynthia. D’abord, sur l’insistance du manager des Beatles, Brian Epstein, il faut cacher ce mariage qui pourrait anéantir et éloigner les groupies qui sont, bien évidemment, toutes amoureuses des Beatles. Le secret sera gardé jusqu’en 1964, mais les humiliations seront nombreuses avant et après. Tout le monde a sans doute en mémoire cette scène ahurissante, issue d’un document officiel d’archive de la BBC et ajoutée au film de Richard Lester, A Hard Day’s Night, où l’on voit la pauvre Cynthia laissée sur un quai de gare parce qu’elle n’a pas couru assez vite pour monter dans le train et échapper aux groupies. Après ce ne sera guère mieux.
En effet, une fois le couple Lennon installé à Londres, les groupies retrouveront leur adresse pour aller insulter régulièrement Cynthia. Quelques années plus tard, à la sortie de la chanson Martha My Dear, certaines de ces mêmes fans apporteront la preuve que leur Q.I. ne dépassaient pas leur température corporelle, puisqu’elles iront protester auprès du Fan Club contre cette rivale potentielle, imposteur à leurs yeux, jusqu’à ce que Paul McCartney se fende d’un communiqué auprès du Daily Mail pour dire que Martha n’était pas une nouvelle petite amie mais sa chienne…Puis, comme tous ceux qui ont grandi avec les Beatles le savent, il y eut l’arrivée de Yoko Ono, fin de parcours pour Cynthia, pour le groupe, qui, de toute façon, n’en pouvait plus de cette vie commune de folie.
Selon le même biographe cité plus haut, Cynthia, lors de sa rencontre avec Lennon à la fin des années 1950, aurait inspiré le magnifique Norwegian Wood, dont le texte est aux confins de la nouvelle littéraire. Enfin, outre l’amitié de Paul McCartney qui ne s’est jamais démentie, c’est le désarroi de Cynthia et Julian, lors de la séparation d’avec John, qui lui aurait inspiré le merveilleux Hey Jude, Jude étant pris comme le diminutif de Julian.
http://www.theguardian.com/music/2015/apr/01/cynthia-lennon-dies-beatles
http://www.telegraph.co.uk/news/obituaries/11509668/Cynthia-Lennon-obituary.html