Les révélations faites par le Sunday Times du 1er juin ont confirmé les forts soupçons de corruption qui entouraient la désignation par la Fifa, Fédération Internationale de Football Association, en novembre 2010, du Qatar comme pays hôte de la coupe du monde 2022. Non seulement étonnante mais aussi aberrante, car ce petit pays de deux millions d’habitants a une superficie de 11.500 km2 et un championnat ridiculement modeste, qui est considéré comme la maison de retraite des joueurs professionnels des championnats européens, ainsi que des températures estivales qui dépassent régulièrement les 50°. Or l’édition de ce jour du Telegraph vient ajouter sa propre enquête à ce dossier particulièrement putride, en révélant que Michel Platini, ex-gloire de l’équipe de France de football et actuel président de l’Uefa, Union Européenne de Football Association, aurait joué un rôle non négligeable et trouble dans cette attribution.
En effet selon le quotidien britannique, en novembre 2010, quelques jours avant le vote déterminant de la Fifa, Michel Platini a eu un entretien, à Nyon au siège de l’Uefa, avec le très sulfureux et très controversé Mohamed Bin Hammam, président de la confédération du football qatari et ex-président de la Confédération Asiatique de Football, vainement candidat à la présidence de la Fifa en 2011 contre Sepp Blatter, et, surtout, suspendu à vie, en 2012, pour corruption active lors de cette même élection, lors de laquelle il a distribué des millions de livres sterling, de dollars et d’euros à tous ceux qui étaient en position de le faire élire. On voit que si Platini est intransigeant quant à l’introduction de la vidéo pour aider les arbitres de football, ajout technologique que le rugby vit très bien désormais, il semble beaucoup plus souple dans les rendez-vous qu’il accorde.
A partir de novembre 2010 plusieurs faits irréfutables surgissent dans l’enquête du Telegraph. Quelques jours après son entretien avec son nouvel ami peu recommandable, Platini est reçu à l’Elysée par Sarkozy avec le dit Mohamed Bin Hammam. La semaine suivante la Fifa, sous l'influence de Platini, vote en faveur du Qatar, ce qui rendra fou de rage Bill Clinton, qui était venu soutenir la candidature des Etats-Unis et qui comprend immédiatement qu’il y a eu corruption. Le Telegraph précise qu’en rentrant dans sa chambre d’hôtel à Zurich, l’ancien président américain a passé sa colère sur un miroir. Le hasard continue à très bien faire les choses, puisque dix mois plus tard le Qatar investit dans le Paris Saint-Germain et un an après la rencontre Platini/Bin Hammam, le fils de Platini, Laurent, devient directeur général de Burrda, une entreprise qatari d’articles de sports. Les révélations du Telegraph ont semé la stupeur au sein du comité exécutif de l’Uefa et de la Fifa, ce qui prouve que le nombre de naïfs et de comédiens dans ces deux instances n’est pas négligeable.
Le premier ministre britannique, David Cameron, qui est politiquement au fond du trou actuellement, et son vice-premier ministre, Nick Clegg, qui, lui, est bien en deçà du fond du trou, ont sauté sur l’occasion pour tenter de redorer leur blason respectif et pour demander que cette attribution soit reconsidérée, ainsi que la désignation de la coupe du monde 2018, qui a eu lieu le même jour en 2010 et qui a été accordée à la Russie et pour laquelle l’Angleterre était candidate…Le leader conservateur et le chef de file de ce qui reste des LibDems s’engagent sur un chemin tortueux, car personne n’a oublié dans quelles conditions, aussi douteuses que rocambolesques, Londres avait battu Paris sur le fil, et au prix de nombreuses interventions spécieuses en coulisses de Tony Blair, pour l’organisation des JO de 2012. A ce stade de l’enquête journalistique on voit mal comment Platini pourrait s’en sortir indemne et comment ses ambitions pour succéder à Blatter pourraient ne pas être anéanties. On voit surtout très mal comment le choix du Qatar pour 2022 ne serait pas voué à l’annulation, d’autant que chacun sait, depuis les premières enquêtes du Guardian, que les ouvriers des chantiers de construction sont traités comme des esclaves.