Photo Steve Burton / Rex Features
Selon une enquête, menée conjointement par The London School of Economics et le quotidien britannique The Guardian auprès de 130 policiers, tous grades confondus, qui ont participé au rétablissement de l’ordre à la suite des émeutes de juillet 2011, ces derniers s’attendent non seulement à une répétition mais aussi à une aggravation de ces événements. L’enquête est intitulée Reading the Riots et prend la forme d’une très sérieuse mise en garde à l’adresse du premier ministre conservateur David Cameron, qui serait bien inspiré d’en prendre bonne note, d’autant que l’ouverture des jeux olympiques n’est plus très loin, plutôt que de fanfaronner sur la capacité du Royaume-Uni à accueillir les entreprises et les contribuables français les plus riches visés par les mesures fiscales potentielles du gouvernement Ayrault.
La première constatation majoritaire chez les police officers interviewés est qu’en cas de réapparition des émeutes ils n’auraient pas les moyens matériels de faire face. Cette conclusion est la suite logique de l’âpre conflit qui oppose la police à la ministre de l’intérieur, Theresa May, laquelle, dans une logique conservatrice aveugle, veut réduire budget de fonctionnement et effectifs. Circonstance aggravante, elle a nommé très récemment, après docile approbation du parlement, un directeur de la police, Tom Winsor, qui n’est pas issu du rang, une grande première en 156 ans, mais qui vient d’un cabinet juridique d’affaires White & Case où il avait rédigé un rapport préconisant la réduction draconienne des salaires des policiers et de leur nombre. Malgré l’opposition farouche du Labour aux communes, Winsor a été nommé et les Lid-Dems, ou plutôt ce qu’il en reste, se sont tus.
Or l’enquête fait apparaître que la cause majeure des émeutes de 2011, selon les policiers sollicités – ce que tout le monde sait depuis longtemps -, est la dégradation des conditions de vie dans bon nombre de quartiers défavorisés des cinq grandes villes britanniques. Le directeur de la police de la conurbation du Greater Manchester est à l’unisson de ses collègues, du bas jusqu’au sommet de l’échelle, pour déplorer que le gouvernement actuel ait totalement ignoré cette leçon élémentaire et s’attend à une situation explosive et pire que l’été dernier. Sa prévision va même au-delà : …I don’t think anything has changed between now and last August, and the only thing that’s different is people have thought: riots are fun. Ce qui signifie : rien n’a changé depuis août 2011 et la seule chose qui soit vraiment différente, c’est que les gens ont pensé que les émeutes sont du divertissement.
A Manchester, environ 3000 personnes ont été arrêtées, mais un certain nombre d’émeutiers ont échappé aux arrestations. Or les 270 émeutiers qui ont été entendus, de façon anonyme, par l’enquête de la LES et du Guardian ont affirmé majoritairement que, comme ils étaient passés à travers les gouttes l’an dernier, ils entendaient bien recommencer cet été. Les victimes des émeutes ont également été entendus et ont rendu hommage au courage des policemen, tout en soulignant leur impuissance totale, déjà mise en évidence par la presse l’été dernier. Ainsi, à Londres, Birmingham, Liverpool, Manchester et Salford, il n’y a eu aucune coordination efficace entre les différentes sections déployées. De plus la communication interne, la possibilité d’activer un réseau national et la réaction face aux réseaux sociaux ont été totalement inexistantes. Pire encore les policiers qui étaient face aux émeutiers ont manqué de nourriture et d’eau et le recours systématique aux images de télésurveillance a conduit à l’arrestation de gens qui n’avaient strictement rien à voir avec les émeutes. Bref un bilan qui devrait sûrement attirer tous ceux qui ne veulent pas payer leurs impôts en France…
P.S. : La vidéo des émeutes publiée par The Guardian
http://www.guardian.co.uk/uk/2012/jul/01/reading-the-riots-police-fears?intemp=122