Récupération de Jean ZAY au FN :Un culot, sans limite ! Faites ce que je dis, ne dites pas ce que je fais…
par Joseph Pinard
Agrégé d’Histoire, ancien Député du Doubs
samedi 4 mars 2017
Proposition 102 (sur 144) du programme FN : « Faire de l’école un ‘asile inviolable où les querelles des hommes n’entrent pas’ (Jean ZAY) donc en y imposant non seulement la laïcité, mais également la neutralité et la sécurité ».
Donc, le FN n’hésite pas à revendiquer l’héritage de Jean ZAY. Mais, à propos de « querelles », qui a lancé la campagne virulente contre l’entrée de Jean ZAY au Panthéon ? C’est M. GOLLNISCH qui a lancé la charge le 24/02/2014, accusant le Ministre d’avoir « craché sur le drapeau » et d’être coupable d’avoir « en juin 1940, quitté l’armée sans l’accord de ses supérieurs » (accusation lancée contre la panthéonisation).
S’exprimant en ces termes, le Député européen, toujours membre du Bureau politique du FN, n’a fait que reprendre les accusations venant de l’extrême droite des années 1930, accusations dont le jeune Ministre avait fait litière devant la Chambre des Députésen 1935 : à l’exception de l’extrême droite, les députés – y compris de droite républicaine – furent convaincus par l’argumentation développée.
Quant à l’autre accusation ; celle de désertion ; elle fait l’objet de nouvelles campagnes d’extrême droite orchestrées par Vichy mais qui tourna à la confusion de ses auteurs, tandis que le supérieur du sous-Lieutenant Jean ZAY, le Colonel POINTOUT, affirmait que le Ministre qui aurait pu rester à son poste et qui s’était engagé dans une unité combattante a été « volontaire pour toutes les missions périlleuses et délicates ».
En 2014, qui a relayé la campagne de calomnies du haut responsable FN ? Un certain M. RACHLINE… qui, par voie de question écrite, a interpellé le Premier ministre le 28/05/2015 faisant état des « écrits de jeunesse honteux sur le drapeau tricolore » et affirmant « au moment où l’urgence est de fédérer les Français autour du sentiment national, c’est un très mauvais signal que donne le Gouvernement. Je demande au Premier ministre de renoncer à ce projet ».
Or, qui est M. RACHLINE ? Il est Sénateur-Maire de Fréjus, mais aussi Directeur de campagne de Marine LE PEN.
Le FN ose utiliser le nom de Jean ZAY mais il ne fera pas oublier que le bras droit de sa candidate n’a pas hésité à s’inscrire dans le droit fil des campagnes haineuses menées par l’extrême droite des années 1930, puis par Vichy, conduisant à l’assassinat par la Milice en juin 1944 du grand Ministre du Front populaire. Cette fin n’a hélas pas mis un terme aux campagnes haineuses puisqu’elles ont été récemment reprises au sein du FN.
A part ça, les médias nous parlent de dédiabolisation réussie… En se servant de Jean ZAY pour essayer d’étayer ses thèses, le FN a provoqué la réprobation d’Hélène, fille de Jean ZAY :
« On connaît le programme de Marine LE PEN depuis longtemps (…) mais qu’elle ose citer le nom de Jean ZAY, qui est exactement à l’opposé de tout ce qu’elle représente, ça m’a mise en colère et j’ai écrit ce texte parce que c’est d’un cynisme extraordinaire (…). Elle fait un amalgame. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que cette circulaire est faite contre les gens dont elle est les héritiers. »
Mais quels sont les médias qui ont fait état de cette mise au point ? …
Le FN, en ayant contribué à réveiller une polémique que l’on croyait éteinte, a montré son mépris à l’égard d’une famille victime d’un drame, d’autant plus atroce que les proches de celui dont on était sans nouvelles depuis juin 1944 n’ont eu la preuve de son décès qu’en septembre 1946, quand ont été identifiés les restes de celui que ses assassins avaient jeté dans un gouffre d’une forêt de l’Allier.
Dommage que les commentateurs dans les médias, où M. PHILIPOT est omniprésent, n’aient pas le réflexe de poser des questions dans le cadre du PHILIPOT plein pot…
Le FN champion de la Laïcité ? Une bonne blague ! Et les médias n’en disent rien…
Joseph Pinard - samedi 4 mars 2017
On ne sait pas assez que l’extrême droite dispose d’un quotidien : Présent, qui fait à fond la campagne de Marine LE PEN et qui est le porte-parole de la puissante mouvance « Manif pour tous », cathos ultra-tradi. A ce titre, Présent vient de célébrer avec ferveur les 40 ans de l’occupation de St Nicolas du Chardonnet (illégale aux yeux de la Loi de 1905).
Présent se fait systématiquement le relai des thèses intégristes : ainsi, dans son numéro du 08/10/2016, dans sa page « Dieu, premier servi », une page est consacrée sous le titre « Quelle séparation entre l’Église et l’État », a un dignitaire de la Fraternité St PIE X qui n’a pas hésité à déclarer : « La séparation de l’Église et de l’État, même dans le sens libéral de BRIAND, est un scandale ! C’est d’abord absolument contraire au droit de Dieu et au bien des âmes. C’est ensuite une grave atteinte à l’identité de la France ».
La famille LE PEN compte parmi les suppôts de St Nicolas du Chardonnet. Mais, aucun média ne pose à Mme LE PEN des questions sur ces liens. Pas de question non plus sur les pseudos-révélations diffusées par le Chardonnet, bulletin paroissial de St Nicolas.
Après les attentats de septembre 2001, extrait d’un article sur l’Islam : « Nous savons aussi, selon une thèse développée par Hanna ZACHARIA dans son ouvrage ‘De MOÏSE à MAHOMET’ que l’ange Gabriel était en fait un rabbin qui a endoctriné MAHOMET pour nuire aux chrétiens ». L’Islam fondé grâce à un Juif, afin de nuire aux Chrétiens… voilà qui permettait de passer d’un antisémitisme devenu gênant à une hostilité aux Musulmans plus facile à exploiter électoralement…
Pas de question non plus sur les campagnes menées contre le Pape FRANÇOIS, usant de l’insinuation, comme l’illustre un article intitulé « Le Pape FRANÇOIS serait-il ‘gay-friendly’ ? » (Présent du 03/08/2013). Titre encore, du 19/04/2016 :

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Présent du 19/04/2016 – Extrait de la une du journal
Sous-titre révélateur : « Les Chrétiens abandonnés ». Il est tout aussi révélateur de constater que dans la même page, un article, sous le titre « Marion au top » est à la gloire de la Députée du Vaucluse. Extrait :

Mais, Marine et sa garde rapprochée ne se voient jamais poser des questions dérangeantes… Pourquoi faire comme si la dédiabolisation était un fait acquis alors que la réalité est tout de même moins simple, comme le montre la tribune ci-après, totalement ignorée des médias…
Le FN est-il aussi dédiabolisé qu’on le dit ?
Janvier 2016
Parce que notre région a été celle où l’extrême-droite a approché la victoire du plus près. Parce que nous avons failli avoir pour présidente une militante de longue date du FN qui lors d’une séance du Conseil municipal de Besançon avait évoqué en 1996 « l’évidente inégalité des races », avant d’afficher son « nationalisme », nous nous interrogeons aujourd’hui sur la réalité d’une dédiabolisation trop vite considérée comme acquise.
C’est le 17 octobre 2002 que l’hebdo du FN faisait part du lancement du « Club de réflexion générations Le PEN ». Le pluriel est à relever. Objectif : « Casser l’image diabolisée du FN ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Force est de constater que sur 8 membres du Bureau exécutif, 4 appartiennent à la vieille garde :
- Madame ARNAUTU a adhéré en 1987.
Elle fut conseillère municipale de Vitrolles de 1989 à 1995.
- Monsieur JALK est encarté depuis 1974.
Il fut Député de 1986 à 1988. Il est aujourd’hui Vice-président national, responsable des questions juridiques, Secrétaire général de Jeanne, cette curieuse structure qui intéresse aujourd’hui de près la justice.
- Monsieur WALLERAND de SAINT JUST, qui siégeait déjà au bureau politique en 1992.
Il y est toujours et occupe une responsabilité majeure : celle de Trésorier national.
- On peut ajouter à ce trio de vétérans Nicolas BAY, une vocation précoce, puisqu’il adhère au FN dès l’âge de 15 ans, en 1992, l’année où le FN est secoué par le scandale GAUCHER, du nom de cet ancien cadre du parti pronazi de Déat, parachuté aux régionales dans le Doubs au printemps 1992 et réduit au silence après les révélations sur son passé sulfureux marqué par des appels à fusiller les résistants. M. BAY, jeune homme pressé, a vu son ascension retardée pour cause d’escapade du côté de MÉGRET, mais il a comblé son retard et il est désormais n°3, ès qualité de Secrétaire général.
Et voilà que, tout récemment, on apprend que M. LACAPELLE a été bombardé « Secrétaire national aux fédérations et à l’implantation ». Celui qui devient n°4 dans l’appareil est entré au FN en 1983, une année de grand cru dans les annales du parti. C’est en effet le 3 juin 1983 que le FN a fait pour la première fois une entrée fracassante dans les médias tandis que – c’était aussi une première – on a pu entendre sur le pavé de Paris le slogan « Le PEN Président ». C’était dans le cadre d’une manifestation dirigée contre Robert BADINTER.
Rendant compte de l’évènement, Le Monde titra : « Le salut fasciste sous les fenêtres de la Chancellerie », avant de donner la parole au Garde des Sceaux qui avait regardé une partie de la manifestation d’une fenêtre de la Chancellerie : « Il y avait des visages plein de haine, des invectives et des cris (…) j’ai vu un certain nombre de bras se lever (…) ça a été comme un retour de l’histoire (…) tous ces bras levés, dressés, tendus, dans le salut qu’on connait bien ».
Tous ces membres des temps fondateurs ont cautionné sans broncher la filiation avec l’extrême droite. On n’a que l’embarras du choix pour illustrer cette fidélité qui a une longue histoire.
Deux exemples :
- Silence quand Français d’abord, organe interne du FN, a rendu hommage en 2001 au pape de l’antisémitisme, Henri COSTON, parce qu’il avait « mis à nu les forces occultes qui empoisonnent la vie de notre pays » et dont la mort « laisse un grand vide au sein du mouvement national ».
- Silence aussi quand en juin 2002, le même organe affirmait au propos de MAURRAS : « Sa puissante pensée conserve toute sa valeur : elle est un instrument de formation sans pareille ».
On nous objectera la montée en puissance d’une nouvelle génération affranchie d’un passé sulfureux. Or, c’est un homme qui compte de plus en plus, M. RACHLINE, l’un des deux sénateurs du FN, membre de son Bureau politique, qui, par voie de question écrite, (n°16499 du 28/05/2015 au Sénat) a dénoncé la panthéonisation de Jean ZAY, renouant ainsi avec la campagne de calomnies orchestrée par l’extrême droite d’avant-guerre, amplifiée sous Vichy. Avant M. RACHLINE, M. GOLLNISCH (lui aussi toujours membre du Bureau politique) avait été le premier à se dire scandalisé par l’hommage rendu au grand Ministre du Front populaire assassiné par la milice.
Jean ZAY n’est pas la seule figure emblématique de notre histoire qui ait eu droit à l’hostilité du FN : quand, en 2007, un vœu fut déposé au Conseil régional de Bourgogne pour demander que le nom de Lucie AUBRAC soit donné à un lycée de la région, le Groupe FN a voté contre après que son porte-parole ait déclaré : « Quand vous saurez qui elle était vraiment, vous rigolerez moins, bande de crétins ».
Interpellé pour savoir s’il cautionnait et le vote, et le propos tenu, le chargé de communication au sein des instances nationales du FN se refusa à tout commentaire. Il s’agissait de M. Alain VIZIER. Il est toujours membre du Bureau politique et toujours Directeur de la communication. Lui aussi a de l’ancienneté, il a adhéré en 1985, et dans son CV, à la rubrique décorations, il n’oublie pas de mentionner « Titulaire de la flamme d’argent du FN ».
A l’heure où ce parti est à la recherche de la ligne qui lui permettrait enfin de l’emporter au second tour, on est en droit de se poser une question : et si par l’odeur du pouvoir alléché, sentant l’écurie, l’appareil du FN conservait son fonds de commerce… tout en décidant de ravaler la façade… ? Et ceci dans le droit fil de la « tradition maurrassienne ininterrompue malgré les apparences » rappelée par Daniel LINDENBERG dans la postface de la réédition de son « Enquête sur les nouveaux réactionnaires ».
Michel BOURGEOIS
Agrégé d’Histoire
Ancien Député du Doubs (PS)
Joseph PINARD
Agrégé d’Histoire
Ancien Député du Doubs (PS)
Gilles ROBERT
Agrégé d’Histoire
Maire PS du Russey (25)
A propos de la présence du FN dans les CA des lycées de Bourgogne Franche-Comté
Problème pas simple : s’il y a refus de désigner des élus frontistes, le FN joue de la victimisation – il est expert en la matière – et il gagnera devant l’opinion au motif qu’il y a ségrégation à l’égard d’élus du suffrage universel. En plus, les tribunaux administratifs pourraient casser les refus de désignation, et le FN pourrait alors exploiter ce désaveu par la justice.
Dès lors que les élus FN siègent, quelques suggestions sur la conduite à tenir de la part des représentants des personnels :
- Interpeler les administrateurs FN en leurs demandant s’ils sont solidaires des campagnes odieuses visant Lucie AUBRAC et Jean ZAY qui incarnent les valeurs de la République que l’institution scolaire se doit de faire connaître
- Si les élus FN se désolidarisent, il n’y a plus de problème
- S’ils assument ces prises de position inacceptables, il appartient aux représentants des personnels, lors de chaque prise de parole d’élus FN, de rappeler ce que furent la vie et l’œuvre de Lucie AUBRAC et de Jean ZAY. Et comme on n’a que l’embarras du choix pour illustrer ces deux parcours exceptionnels, les interventions ne seraient pas répétitives mais permettraient de mieux faire connaître à l’ensemble des membres des CA (en particulier délégués parents et élèves), ce que furent deux personnalités exemplaires.