Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

552 Billets

20 Éditions

Billet de blog 4 mai 2012

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Anaphore certes, mais cataphore aussi !

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La magnifique tirade de François Hollande, commençant par « Moi président… », lors du débat télévisé du mercredi 2 mai, restera indubitablement dans les mémoires et dans les annales. Elle a marqué les esprits, sauf ceux de Nadine Morano et de Jean-François Copé, grand ami de Takkiedine, mais on ne peut pas en vouloir aux deux premiers car l’indigence sémantique et syntaxique à laquelle leur mentor les a soumis jusqu’à présent ne saurait leur ouvrir l’esprit. Tout a été dit sur ce brillant monologue, notamment par l’intermédiaire des excellents billets d’Antoine Perraud et de Hubert Huertas, mais sans doute faut-il aller plus avant pour bien éclairer cette intervention du point de vue de l’analyse du discours.

Donc, cela a été dit, redit et répété à l’envi, François Hollande a fait usage de l’anaphore. Littéralement et étymologiquement du grec ana, retour, et phoros, qui porte. Plus globalement et clairement, en linguistique il s’agit d’un    « procédé de rhétorique qui vise à un effet de symétrie, d’insistance par répétition d’un même mot ou groupe de mots au début de plusieurs phrases ou propositions successives ». C’est, là, la définition donnée par le TLFI, Trésor de la Langue Française Informatisé, remarquable outil conçu par le CNRS et accessible sur le net. L’anaphore a une fonction liée à l’art oratoire, mais ce qui est intéressant dans la déclaration de François Hollande, c’est que l’anaphore était à la fois rhétorique et syntaxique, puisque le « Moi président… » n’était pas fondée sur une projection individuelle mais collective. Ce « Moi président… » était aux antipodes du « je » sarkozyste, puisqu’il sous-entendait un soutien, un consensus, un accord avec l’engagement proposé.

Et c’est précisément pour cette raison qu’il convient de ne pas s’arrêter à l’anaphore (aucun rapport avec Anna Faure, qui, contrairement à ce que pourrait penser l’insupportable groupie nommée plus haut, n’est pas une admiratrice de Hollande), il faut insister sur la cataphore, du préfixe grec cata, en bas, en dessous, et donc phoros de nouveau. En d’autres termes la partie complémentaire du discours est tout aussi importante, si ce n’est davantage que l’introduction. Car après « Moi président… », il ne faut pas passer sous silence les engagements, cataphoriques donc, à savoir « je ne nommerai pas les présidents de chaînes publiques », « je ne nommerai pas les magistrats du parquet », « je ne collecterai pas de l’argent dans un grand hôtel parisien » etc.

Il convient, dans une démocratie et dans une analyse du discours, d’être équitable. Le sortant a droit, lui aussi, à quelques figures de style. Le candidat de la droite, extrême surtout, a brillé par l’anacoluthe, qui est la rupture de la cohérence syntaxique – ex : « alors sur la dette, vous êtes un petit calomniateur » - et par l’aposiopèse, qui est l’interruption du déroulement syntaxique attendu – ex : « Je m’dis : M’sieur Hollande, il a encore changé d’avis ». Mais la caractéristique majeure est ce que J. Peytard appelle le tiers-parlant (D’une sémiotique de l’altération, 1993 : p- 148), « un ensemble indéfini d’énoncés prêtés à des énonciateurs ». Exemples : « Madame Aubry a dit que… », « C’est Manuel Valls qui dit que… ». Enfin n’oublions pas le concept de surdestinataire, introduit par Bakhtine, et dont la définition est rappelée par l’excellent Dominique Maingueneau (Les termes clés de l’analyse du discours, 1996 : p-80) : « la voix de qui serait le représentant le plus typique, le plus idéal »…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.