Le 15 avril 1989, l'ancien secrétaire général du parti communiste chinois, Hu Yaobang, meurt d'une crise cardiaque. Il avait été le symbole de la tentative de libéralisation de la société chinoise contre les réformes politiques et économiques de Den Xiaoping à partir de 1978, à l'image de ce que fut Gorbatchev avec la glasnost dans l'ex-URSS. Il fut contraint à la démission le 16 janvier 1987, ce qui fut ressenti comme un terrible revers par tous les partisans de l'ouverture.
A l'annonce de sa mort, en ce 15 avril 1989, des milliers d'étudiants envahissent la place Tiennanmen et ne la quitteront plus. C'est le début d'un long processus de protestation qui va durer jusqu'au 4 mai et se terminer dans un bain de sang et une des répressions les plus noires de l'histoire contemporaine de la Chine.
Le 21 avril, jour des obsèques de Hu Yaobang, les étudiants sont plus de 100.000 à converger vers la place Tiennanmen. Le mouvement est bientôt relayé par des grèves qui s'étendent à toutes les universités et qui rassemblent étudiants et enseignants. Les menaces de répression par le pouvoir se font de plus en plus pesantes, mais la révolte se fait plus forte et plus patriotique et rappelle celle de 1976 qui avait abouti au limogeage de la "bande des quatre". Au fil des jours, la mémoire de Hu Yaobang est célébrée comme celle d'un véritable démocrate au service du peuple.
Le 4 mai, plus de 200.000 étudiants et travailleurs défilent dans Pékin pour réclamer la liberté de la presse et un dialogue immédiat entre le pouvoir et les élus du mouvement étudiant. Le gouvernement refuse et ne veut parler qu'aux étudiants membres du pc. Le 13, à l'occasion de la visite de Mikhail Gorbatchev, les étudiants, qui occupent toujours la place Tiennanmen, commencent une grève de la faim, qui sera suivie par plus de 1.000 personnes.
Le 19, le secrétaire général du pcc, Zhao Ziyang, va à la rencontre des étudiants, désormais soutenus par toute la population, et les exhorte à interrompre leur grève de la faim, avec des phrases rapportées par la BBC et qui resteront gravées dans la mémoire des manifestants : "Nous sommes vieux, nous n'avons plus rien à perdre ; vous êtes jeunes, vous n'avez aucune raison de vous sacrifier."
C'est un échec, mais cette référence au "sacrifice" fait craindre le pire. La sympathie pour les étudiants, déjà considérable à l'intérieur du pays, dépasse maintenant largement les frontières chinoises. Dan Rather est là depuis quelques jours, le présentateur vedette de CBS, celui qui incarne l'information télévisée américaine, comme Louis XIV incarnait l'Etat, puisqu'il commençait toujours son journal par : "Dan Rather reporting", signifiant ainsi qu'il était donc son propre titre de "une".
Mais le 20 mai, Zhao Ziyang décrète la loi martiale et le 27, des chars de l'armée chinoise prennent position autour de Tiennanmen. Le président des Etats-Unis, George Bush père, aura beau lancer une protestation auprès du conseil de sécurité de l'ONU, la répression commence. Les manifestants brûlent des véhicules et dressent des barricades. Et le 4 juin, la révolte étudiante est écrasée, comme le montre ce reportage de l'envoyée spéciale de la BBC sur la place Tiennanmen.
Comme elle l'indique dans cette vidéo, l'armée commence à tirer sur les manifestants. Elle va suivre, elle-même, des étudiants gravement blessés jusqu'à l'hôpital le plus proche. Le gouvernement chinois reconnaîtra 241 morts dans cette répression, parmi les manifestants. Le New York Times, dont le correspondant affirme avoir vu les chars rouler sur les tentes à l'intérieur desquelles se trouvaient des étudiants, parle de 800 morts. C'était il y a dix-neuf ans. Les principaux organisateurs ont été soit condamnés à mort et exécutés, soit emprisonnés. Aucun n'a encore été libéré. Pour mémoire, c'est ce pays qui a été choisi pour accueillir les prochains jeux olympiques d'été.