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Gina who? seront tentés de se dire de nombreux britanniques ce matin depuis que cette femme d’affaires a surgi dans l’actualité. A la tête d’une entreprise d’investissement, SCM Private, avec son mari, Alan, elle a saisi la Royal Court of Justice pour demander que le processus de sortie de l’UE, à la suite du référendum du 23 juin, soit soumis à un débat et un vote à la chambre des communes préalablement pour être en conformité avec le droit. Or, hier, jeudi 3 novembre 2016, la dite cour lui a donné raison en demandant au gouvernement de Theresa May de consulter le parlement britannique avant d’enclencher l’article 50 de la constitution européenne qui fixe le cadre d’une sortie de l’UE. Le but de Gina Miller est essentiellement de forcer le premier ministre conservateur à agir dans la clarté. Cette initiative vise également à mettre l’accent sur le double jeu, le double langage, bref la duplicité du camp conservateur, que Gina Miller résume ainsi : il est impossible d’avoir chanté, pendant des semaines, les louanges d’un retour à la souveraineté du parlement britannique et, en même temps, éviter soigneusement de consulter le même parlement sur une question aussi grave et essentielle pour l’avenir économique et politique du pays. Argument imparable qui avait sans doute échappé à la manœuvrière ambiguë qu’est Theresa May et aux authentiques escrocs que sont sont Boris Johnson et Nigel Farage, qui, lui, de toute façon, ne siège pas aux communes mais au parlement européen, qu’il dénonce dans une étonnante forme de schizophrénie.
La volonté de Gina Miller est aussi de parler au nom de nombreux chefs d’entreprise et investisseurs qui ont vécu le Brexit comme une catastrophe nationale. Gina Miller n’est pas seulement une femme d’affaires, elle est aussi une militante de l’éthique dans la vie des affaires puisqu’elle travaille à la transparence dans le domaine de l’investissement et des fonds de pensions et à la lutte contre l’évasion fiscale. Depuis hier elle subit une avalanche de menaces de mort et d’insultes sexistes et racistes — née en Guyane britannique, Gina Miller est sujet de sa gracieuse majesté et vit au RU depuis l’âge de dix ans — essentiellement venues de l’Angleterre profonde et de la presse tabloïde, où les publications de l’infâme Rupert Murdoch jouent un rôle majeur. Who do EU think you are? (jeu de mots sur EU, European Union et you, Gina Miller) Pour qui te prends-tu ? (on dirait du Sarkozy dans le texte…) a élégamment, comme d’habitude, titré le Sun, qui remet quotidiennement en mémoire la célèbre boutade du regretté Desproges sur Minute, publication avec laquelle, disait-il « on a tout Sartre, c’est-à-dire la Nausée et les Mains Sales ». Le Financial Times l’a surnommée the black-widow spider et les réseaux sociaux ont colporté nombre d’insultes mais Gina Miller a le cuir endurci, car lorsqu’elle est arrivée à Roedean, prestigieuse école privée du Sussex au milieu des années 1970, ses parents ont dû rapidement opté pour une nouvelle école en raison des insultes racistes et des tentatives d’intimidation. Le Daily Mail et le Telegraph ont, quant à eux, choisi la dénonciation des juges et le lynchage public avec ces « unes » qui ont une odeur de décharge publique…
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