Alors que la bête immonde montre de nouveau le bout de son horrible museau un peu partout en Europe, de la Pologne à la Slovaquie en passant par l’Autriche, sans oublier les ré-émergences nauséabondes en France et en Allemagne, le fascisme et les dictatures se propagent régulièrement à travers la planète, qu’il s’agisse de la Syrie, de la Russie, de la Turquie ou du Venezuela, entre autres. Et partout ce sont les journalistes qui sont pris pour cibles et deviennent des boucs émissaires, au sens où René Girard l’a défini dans son ouvrage Le Bouc émissaire (1982, Grasset), « Par persécutions à résonances collectives, j’entends les violences de type chasse aux sorcières, légales dans leurs formes mais généralement encouragées par une opinion publique surexcitée. » (p-21). Dans tous les pays où la vérité est une ennemie, et son messager bien plus encore, les journalistes sont dans le viseur (au sens propre et au sens figuré) des dictateurs. Si l’on peut hélas considérer que Kim Jong-Un et Bachar el-Assad sont hors concours par l’ampleur de leurs méfaits, Erdogan et Poutine menacent, musèlent ou font disparaître tous ceux et toutes celles qui, par la pratique de leur métier de journaliste, entravent le chemin du fascisme en place.
Bien évidemment et fort malheureusement le monde occidental et ses présumés satellites ne sont pas à l’abri de dérives inquiétantes. Deux exemples récents le rappellent. Le 30 mai Donald Trump tenait une conférence de presse à New York pour faire le point sur son initiative de collecte de fonds pour les vétérans de l’armée américaine. Trump prétend avoir permis de réunir six millions de dollars, dont un million qu’il aurait versé lui-même, mais plusieurs media ont émis des doutes sérieux sur ces deux montants qui n’ont pas été étayés par des chiffres précis. Au lieu d’apporter des preuves et des réponses concrètes, Trump s’est lancé dans une série d’insultes très violentes à l’endroit de plusieurs journalistes présents. En guise de réponse à la question qu’il avait posée, un journaliste d’ABC s’est fait traiter de « sale petit fumier », quant à un de ses confrères de CNN qui réitérait la même question Trump lui a simplement répondu you’re a real beauty. Dénigrer, humilier et insulter sont les seules réponses que Trump propose aux questions embarrassantes. Violence verbale qui trouve, fort malheureusement, un écho favorable dans la frange de la population la plus réactionnaire et la moins instruite et flatte les plus bas instincts de celles et ceux qui ne comprennent l’information nationale et internationale qu’à travers le prisme extrêmement violent et réducteur de Fox News, chaîne cependant malmenée aussi par le candidat et qui semble désormais prendre ses distances.
Le deuxième exemple vient des Philippines, où le nouveau président élu, Duterte, a affirmé, dans une conférence de presse le 2 juin, que, si les journalistes étaient un obstacle à la mise en place de sa politique, les tuer ne constituait pas un problème, d’autant que ce dernier s’est vanté, à plusieurs reprises, d’avoir tué de sa main des gens qu’il considérait comme des délinquants ou des criminels. La différence entre Trump et Duterte est que le premier nommé menace, alors que le second passe à l’action, du moins c’est ce qu’il affirme. Poutine, Bachar el-Assad et Erdogan, quant à eux, font exécuter les gêneurs que sont les journalistes par des hommes de main. Ces pratiques terrifiantes montrent que la liberté et la démocratie sont en danger de mort dans de nombreux points de la planète. On le sait, l’Europe en général et la France, en particulier, ne sont nullement à l’abri de ces périls. La rédaction de Mediapart est bien placée pour savoir que, lorsqu’une enquête est gênante, puisqu’elle s’appuie sur des faits avérés, la seule défense des individus est de dénigrer et de décrédibiliser. Tapie puis, plus récemment Beaupin, ont eu recours à cette pratique, dans laquelle le champion toutes catégories demeure Sarkozy. On se souvient que les deux juges d’instruction chargées d’instruire l’affaire de tentative de trafic d’influence avaient été dédaigneusement reléguées au rang de « ces deux dames ». Quel citoyen pourrait se permettre de jeter l’opprobre sur une ou plusieurs juges d’instruction en charge d’un dossier dans lequel il est cité ? Et quel citoyen peut s’octroyer l’incroyable culot de ne pas répondre à une convocation d’un juge d’instruction, comme l’a fait très récemment Sarkozy ? (voir l’article de Laurent Mauduit).
Il est une autre violence, interne au journalisme celle-ci et bien plus insidieuse et dangereuse, c’est la complicité de certains journalistes avec le mensonge organisé de certains élus. Depuis trois jours, Mediapart et Edwy Plenel ont fait état de la décision de justice qui authentifie le document libyen prouvant que Sarkozy a bien bénéficié d’un versement de 50 millions d’euros de feu le dictateur Kadhafi. A ce jour aucune chaîne de télévision n’a relayé cette information capitale qui pose deux questions majeures sur d’une part le dépassement des fonds de campagne électorale, d’autre part sur la frénésie que Sarkozy a déployée pour faire éliminer ce créancier devenu très gênant.