Cette question hautement existentielle a été posée par l’excellente éditorialiste du Guardian, Marina Hyde, en « une » de l’édition du 11 novembre 2010. Que le football et les footballeurs aient pris une importance démesurée en Europe, en général, et au Royaume-Uni en particulier, semble évident aux yeux de tout le monde, y compris de ceux qui aiment le jeu et en détestent les effets secondaires. Or justement, parmi les royaux sujets, monsieur-tout-le-monde, the man in the street, considère que le footballeur moyen serait en quelque sorte une référence, ce que dément cette photo d’une amicale discussion de John Terry avec un arbitre (crédit photographique : Phil Noble, Reuters). Diable ! Voilà bien ce qui consterne la journaliste du Guardian, qui pense que ceux qui font actuellement profession de taper dans un ballon auraient plutôt besoin d’aide médicale que d’admiration.
Il y a trois raisons à la froide colère de Marina Hyde, trois c’est mieux, en effet, chiffre symbolique, three cheers for democracy. Tout d’abord, le gros caprice de Wayne Rooney, qui, à la fin de l’été, ne voulait plus entendre parler de son club, Manchester United, et, qui, quelques jours plus tard, après avoir renouvelé son contrat pour plus d’un million de livres sterling par mois, assure que Manchester United a toujours été et reste le choix de son coeur. Un revirement que la journaliste a trouvé peu en harmonie avec Austerity Britain, symbole de la coalition conservatrice aux dépens des salariés britanniques.
Ensuite, il y a l’émergence d’Andy Carroll, avant-centre de Newcastle United, dont Marina Hyde disait que son éventuelle sélection en équipe d’Angleterre sonnerait le glas de la société civilisée. C’en est donc fini de la civilisation, puisqu’une semaine plus tard, il était appelé en équipe nationale pour rencontrer la France à Wembley. Outre le fait qu’Andy Carroll ressemble à un homme des cavernes, mais il faut se garder, c’est bien connu, de juger les gens sur la mine, c’est surtout son bilan hors terrain qui n’en fait pas précisément un real gentleman. Entre 2008 et 2010 Andy Carroll a été arrêté dans un pub où il avait provoqué une bagarre générale, au cours de laquelle il avait frappé une femme ; puis dans une boîte de nuit où il avait écrasé son verre sur le visage d’un client ; ensuite, lors d’un concert où il avait, encore – c’est une manie –, distribué généreusement des coups à tous ceux qui l’approchaient ; enfin, à son domicile, où il venait de tabasser sauvagement sa petite amie. Drôle de guide ! Curieuse référence !
Enfin, il y a eu le comportement de John Barnes, ex-joueur exceptionnel de Liverpool et de l’équipe d’Angleterre et désormais consultant sur Sky Sports, qui, la semaine précédente, c’est-à-dire le 4 novembre, a préféré aller assister à un match de son ancienne équipe plutôt que de rester auprès de sa troisième épouse qui donnait naissance à son septième enfant. Triste époque en vérité, mais la société, qu’elle soit française ou britannique, n’a, sans doute, que les héros qu’elle mérite.
Nous aurions, cependant, tort de rire trop fort. Le sinistre épisode sud-africain de l’équipe de France de football est là pour nous rappeler à une nécessaire retenue. D’autant qu’avant le mois de juin, il semblait évident qu’Anelka, cet étrange mélange de Caliméro et de Buster Keaton, n’avait pas lu tous les livres de maintien de Nadine de Rotschild, que Patrice Evra n’avait pas Kierkegaard dans sa bibliothèque et que Ribéry ne semblait rien connaître des Marx, ni Karl, ni Groucho, ni Harpo. Mais, n’en doutons pas, si l’équipe de France se qualifiait pour la phase finale du championnat d’Europe des nations, en 2012, elle serait forcément reçue, en grandes pompes et à toute pompe, à l’Elysée…