« À ces démons d’inimitié
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse-leur en pitié
Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine.
La haine, c’est l’hiver du cœur.
Plains-les. Mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur.
Bel arc-en-ciel, sors de l’orage !»
Ce qu’a écrit Victor Hugo, dans le poème XX, Il fait froid, du livre II des Contemplations, en décembre 1830. Il faut donc bien constater que le langage politique et social est, depuis quelque temps déjà, celui d’un hiver immense, long et pesant. Sentiment violent et irrationnel de rejet qui pousse à vouloir nuire, aversion profonde fondée sur l’ignorance, la haine est un obstacle à la raison, à la fraternité, à la compréhension, à la vie tout simplement. Donc vouloir résister à la haine engendrée par le fanatisme, l’intolérance et le terrorisme en développant un langage de haine tout aussi implacable réduit la société, bien malgré elle, à ce que feu René Girard nommait le « désir mimétique ». Il convient de refuser, d’ignorer la haine, qui ne constitue ni une base d’harmonie sociale, ni un programme politique. Or le langage de l’extrême droite nourrit la haine, tout comme celui du pouvoir exécutif actuel conduit à la haine. Ce fut d’abord, dans la bouche du premier ministre, les propose scandaleux contre les Rroms. C’est désormais, à travers la volonté du président de la République, de cliver, à des fins bassement électoralistes, en entretenant le projet de déchéance de nationalité. Absurdité profonde et manichéenne porteuse de haine, largement prolongée par les media aux ordres. La haine a mille et unes petites ramifications aussi sordides que pernicieuses, le racisme, le sexisme, la misogynie, la xénophobie, l’homophobie qui n’ont d’autres buts que de détruire le fondement même d’une collectivité dans sa diversité.
En 1940, alors que l’extrême droite vichyste qui collabore avec l’ennemi nazi tente de le faire passer pour un traître, un fuyard et un déserteur — alors qu’il essaie de rejoindre Londres et la résistance — Pierre Mendès-France écrivit ces quelques lignes édifiantes et réconfortantes qui apparaîtront ultérieurement dans son ouvrage Liberté, liberté chérie, publié aux éditions Fayard en 1977 :
« Je sais qu’on ne discute pas, qu’on ne démontre pas, qu’on ne prouve pas contre la haine. »