Gérard Larcher, président du Sénat et du comité politique de l’UMP-LR, était l’invité de France Inter ce matin et s’est livré à ce qui est censé être une démonstration, mais qui s’avère une absurdité qui relève soit de la cécité soit de la folie. En effet, après avoir concédé, le 9 février, qu’il était « profondément choqué » par ce que révélait l’enquête du Canard Enchaîné sur le comportement de François Fillon, le président du Sénat, institution dont les excellentes enquêtes de Mathilde Mathieu ont montré que les arrangements des sénateurs avec la réalité démocratique et la vérité étaient assez étonnants, a admis qu’il avait fait pression sur Fillon pour que ce dernier retire sa candidature. Puis, avant de conclure par cette phrase qui restera, sans aucun doute, dans les annales de l’absurde et de la langue de bois « Je crois que nous avons sauvé l’élection présidentielle », le même Larcher a fermé le ban avec « François Fillon est notre meilleur candidat », un syllogisme dont les bases logico-sémantiques ont été complètement balayées.
Un syllogisme est « un raisonnement déductif rigoureux se fondant sur les rapports d’inclusion et d’exclusion des propositions sans qu’aucune proposition étrangère soit sous-entendue. » (TLFI et Robert). Dans son excellent ouvrage de 1995, La pragmatique, d’Austin à Goffman (éditions Bertrand Lacoste) Philippe Blanchet, professeur de sociolinguistique à l’université de Rennes 2 (et abonné à Mediapart) rappelle la technique aristotélicienne d’approche du syllogisme, « qui établit une relation cause/conséquence incontestable entre des prémisses et une conclusion » (p-11). L’exemple classique est :
Tout homme est mortel
(Or) Socrate est un homme
(Donc) Socrate est mortel.
Cependant, écrit le même Philippe Blanchet, « toute erreur de hiérarchie entraîne la nullité du syllogisme, exemple : tous les chats sont mortels, Socrate est mortel, donc Socrate est un chat. » (p-11). Or c’est bien la démonstration acrobatique à laquelle le président du sénat s’est livré sur les ondes de la radio de service public, ce matin. En d’autres termes, François Fillon n’est plus qualifié pour nous représenter à l’élection présidentielle, mais il n’y a pas d’autre solution, donc c’est notre meilleur candidat. On pourrait gloser indéfiniment en illustrant cette assertion, sorte de diagonale du fou, par nombre de métaphores telles que le conducteur du train ou de l’autobus est devenu fou, mais il n’y a pas d’autre conducteur, donc nous restons tous à bord, mais, à l’évidence, chez les Républicains, où la capacité de nuisance de Paul Bismuth en coulisses n’est pas à négliger, il semble que l’urgence soit de trouver un psychiâtre…