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Billet de blog 7 avril 2011

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Le passage pour piétons d'Abbey Road classé monument historique

Lorsqu’en cette matinée ensoleillée d’août 1969, les Beatles, qui sont à court d’idées pour trouver une couverture originale à leur nouveau 33 tours, acceptent celle du célèbre photographe Ian MacMillan, qui a suggéré qu’ils traversent tout simplement Abbey Road à quelques mètres de leur studio, nul n’aurait imaginé que ce passage pour piétons ferait partie, un jour, du patrimoine britannique.

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Lorsqu’en cette matinée ensoleillée d’août 1969, les Beatles, qui sont à court d’idées pour trouver une couverture originale à leur nouveau 33 tours, acceptent celle du célèbre photographe Ian MacMillan, qui a suggéré qu’ils traversent tout simplement Abbey Road à quelques mètres de leur studio, nul n’aurait imaginé que ce passage pour piétons ferait partie, un jour, du patrimoine britannique.

C’est pourtant le cas depuis décembre 2010, par décision du Westminster City Council. Le plus célèbre zebra crossing du monde a été classé Grade II par le service du patrimoine britannique. La classification du Department of National Heritage va de Grade II, la plus basse, à Grade I, plutôt réservée aux monuments historiques, en passant par Grade II*. La définition de Grade II est la suivante : These are buildings of special interest, which warrant every effort being made to preserve them.

Outre le fait que l’auteur de l’idée lumineuse, Ian MacMillan, n’est plus de ce monde, emporté par un cancer en 2008, il ne reste que deux Beatles en vie pour se réjouir de cette promotion, Sir Paul McCartney et Ringo Starr, mais la décision a, de toute évidence, pour but de consacrer une option touristique devenue un véritable lieu de pèlerinage, puisque ce passage pour piétons, élevé au rang de monument historique, attire, chaque jour, une foule ininterrompue de visiteurs. Le chemin est simple par métro depuis le centre de Londres. Depuis Green Park et la Piccadilly Line, il faut environ dix minutes par la Jubilee Line jusqu’à St John’s Wood. Là le pèlerin est tout de suite dans l’ambiance, puisqu’à la sortie de la station de métro, se trouve une petite boutique de souvenirs Beatles de toutes sortes. Il faut ensuite remonter Grove End Road sur une centaine de mètres et, à l’angle des deux rues, se trouve Abbey Road zebra crossing.

Ce qu’ignore sans doute une grande majorité des touristes de toutes nationalités qui viennent se mitrailler mutuellement pour la postérité, c’est que, malgré la ressemblance confondante avec la photo de 1969, le passage pour piétons était un peu plus loin dans la rue, au niveau du n°3, devant les studios d’EMI, et n’existe plus, comme le rappelle BBC News sur son site dans un article daté du 22 décembre 2010. En vérité, plus personne, ni à la BBC, ni au Westminster City Council ne se souvient de l’emplacement exact. Un porte-parole du Council dégage prudemment en touche : The details of exactly when and why the crossing was moved from its original location have been lost in the annals of time, ce qui signifie donc : les raisons précises pour lesquelles le passage a été déplacé de son emplacement originel, ainsi que la date, se sont perdues dans les annales.

Mais il en faut plus pour décourager les pèlerins, au cas improbable où ils seraient informés, car, d’une part, ils sont bien dans Abbey Road, North West 8, et d’autre part le passage pour piétons est juste devant les studios d’Abbey Road, voilà qui suffit à l’ivresse nostalgique. Du reste, devant les studios en question se trouve une caméra qui filme le passage pour piétons 24 heures sur 24, avec tous les débordements farfelus que l’on peut imaginer. On peut visionner ces images permanentes sur le site suivant. (Il convient d’être patient et d’attendre le téléchargement). Ceci étant dit, les réactions du voisinage et des automobilistes sont variées et clivées, devant ce manège incessant dans ce quartier résidentiel, aux maisons luxueuses.

Comme l’a relaté le Telegraph du 9 août 2009, les riverains d’Abbey Road, ainsi que les automobilistes qui empruntent cette rue désormais historique, particulièrement les chauffeurs de bus et de taxi, sont au bord de la crise de nerfs. Et le légendaire flegme britannique est à son extrême limite dans ce quartier. Depuis 2000, il y a eu 22 accidents dans Abbey Road, aucun mortel fort heureusement, car les nombreux touristes n’hésitent pas à abuser de la patience des automobilistes en se faisant photographier dans des poses identiques à celle des Fab Four il y a quarante-deux ans, en prenant leur temps. D’autres habitants du quartier sont plus affables, prennent toutes ces visites comme une marque d’estime pour le Royaume-Uni et Londres et les plus âgés racontent volontiers des anecdotes. On laissera le mot de la fin à l’inénarrable Sir Paul, pour qui la simplicité est une terre étrangère et qui a accueilli la décision de classement comme monument historique d’Abbey Road en ces termes : the icing on the cake, littéralement le glaçage (en transposant, la cerise) sur le gâteau. On peut aussi associer le mot cake à une autre expression : it takes the cake! , ça c’est le pompon !...

Crédit photographique PA

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