Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

552 Billets

20 Éditions

Billet de blog 8 décembre 2016

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Vive polémique autour du Booker Prize

L'attribution du prix littéraire britannique The Booker Prize 2016 à un auteur américain suscite des inquiétudes quant à l'avenir des jeunes talents issus du RU, d'Irlande et du Commonwealth.

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Julian Barnes, novembre 2016 © Christian Carisius /EPA

Le Booker Prize est l’équivalent britannique du Goncourt. Créé en 1968 par la célèbre maison d’édition  du Royaume-Uni, McConnell Ltd, son nom complet est The Man Booker Prize pour la bonne raison que l’entreprise d’investissement Man Group a doublé la récompense attribuée au lauréat, en 2002, en la faisant passer de 21.000 à 50.000 livres sterling, ce qui a fait du Booker l’un des prix littéraires les plus généreux du monde. Depuis sa création le prix est toujours allé à des écrivains de langue anglaise issus du Royaume-Uni, d’Irlande et de tous les pays qui faisaient autrefois partie du Commonwealth et a permis la confirmation d’écrivains renommés ainsi que l’éclosion de jeunes talents peu connus avant récompense et qui, de fait, ont accédé à la notoriété. Ce fut le cas, entre autres, de V.S. Naipaul (1971) In a Free State, de Nadine Gordimer, (1974) The Conservationist, d’Iris Murdoch (1978) The Sea, The Sea, de Kingsley Amis (1986) The Old Devils, de Penelope Lively (1987) Moon Tiger, de Kazuo Ishiguro (1989) The Remains of the Day, de Graham Swift (1996) Last Orders, et Arundhati Roy (1997) The God of Small Things. Le Booker a acquis une réputation internationale et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes littéraires…jusqu’en 2106.

En effet cette année, en novembre 2016, après avoir récompensé un Australien en 2014, Richard Flanagan, puis un Jamaïcain en 2015, Marlon James, le jury a, contre toute attente, décerné le Booker 2016, pour la première fois de son histoire,  à un auteur américain, Paul Beatty pour son roman The Sellout. Si le talent du lauréat et la qualité de son travail ne sont nullement en cause, la décision a déclenché une violente polémique. Le célèbre romancier Julian Barnes, lauréat en 2011 pour The Sense of An Ending, a pris la tête de la contestation en déclarant au Guardianletting US authors compete for Booker Prize is daft’, ce qui signifie « permettre à des auteurs américains d’être candidat au Booker est insensé ». Barnes fonde sa critique d’une part sur le fait qu’il existe le Booker International (qui peut très bien récompenser des auteurs américains), d’autre part et surtout sur le fait que les Etats-Unis ont de nombreux prix littéraires et que cette initiative, regrettable à ses yeux, dénature la vocation du Booker. De fait nombre de jeunes talents qui constituaient le vivier des futurs lauréats vont être oubliés et broyés par la puissance américaine. Julian Barnes a été rejoint par plusieurs signatures de renom, Susan Hill (qui a déclaré que l’attribution à Paul Beatty est a bad day for the Booker Prize) Anita Brookner, Antonia Byatt, Louisa Young, Amanda Craig et Philip Hensher, qui, dès 2013, avait lancé un cri d’alarme pour émettre des doutes sur la porosité du jury et des maisons d’édition qui lorgnent vers le marché américain, plus vaste et plus juteux. Nos amis et voisins grands-bretons seraient-ils en train de découvrir, à leur manière, la notion d’exception culturelle ?…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.