Andrew Hussey n’est pas vraiment ce que l’on pourrait appeler un inconnu ou un anonyme, il est le doyen de ULIP, University of London in Paris. Dans l’édition du 6 février de la Sunday sister du Guardian, The Observer, il a lancé ce que l’on nomme d’ordinaire un cri d’alarme, mais qui ressemble davantage, en l’occurrence, à un appel de détresse : Within a few years, the study of French at UK universities, already severely endangered, may well become extinct, ce qui, donc, signifie, Il se peut que, d’ici quelques années, l’étude du français dans les universités britanniques, déjà sévèrement sinistré, ait complètement disparu.
Les raisons de cette chute libre tiennent, selon Hussey, à plusieurs facteurs divers et complexes. Tout d’abord, il y a la rémanence d’une attitude, sur l’histoire de laquelle ce dernier est relativement discret, mais qui est l’héritage de l’empire britannique, période au cours de laquelle l’auto-satisfaction victorienne conduisit à s’enorgueillir que jamais sur l’empire le soleil ne se couchait, tellement il était vaste. De fait, au fil du temps les glorieux sujets de sa gracieuse majesté ont toujours considéré que, partout où ils allaient, on pouvait ou on devait leur parler anglais et que tout effort de reconnaissance de la langue de l’autre devenait superflue. Cette tendance, même débarrassée des oripeaux du colonialisme impérial, n’a pas totalement disparu.
A l’empire a succédé la mode : tantôt, dans les dernières années, l’Espagne fut en vogue, puis vint le tour de la France, mais sans que jamais l’attrait de l’espagnol ou du français n’émerge vraiment. C’est précisément ce que dénonce Andrew Hussey, c’est-à-dire les middle-class Francophiles qui n’entendent rien à la langue et à la littérature françaises, mais qui confondent culture et tropisme touristique et qui ne cessent de se désopiler en faisant mine d’avoir lu A Year in Provence, somme de clichés qui se voulaient francophiles mais qui étaient subrepticement francophobes et primaires. Donc, on peut passer son été en Provence et se désintéresser totalement de la langue française et ne jamais la parler. Finalement, ces middle-class Francophiles sont l’incarnation de la vielle rengaine impérialiste raciste wogs start at Calais.
Hussey ne pousse pas plus loin l’auto-flagellation et reconnaît que personne n’émerge vraiment dans la littérature française, à l’image du pouvoir politique, tristement autiste, auto-satisfaite, mièvre, sans aura et sans perspective. Il la trouve même tosh la dite littérature, c’est-à-dire qu’elle relève de la plaisanterie. Et Hussey ne peut être suspecté d’être un de ces éphémères francophiles d’été qui envahissent la Dordogne ou le Vaucluse. Il est né à Liverpool, il est issu de la classe ouvrière. La première fois qu’il est venu à Paris, c’était pour acheter des disques de musique rai dans les années 1980. La France il l’a découverte et aimée en commençant par Barbès, le français l’a fasciné après avoir lu Zola et Céline. C’est un authentique francophile, pas aveuglé pour autant puisqu’il écrit que Parisians really live up to their reputation as the most irritating people in the world, les parisiens sont à la hauteur de leur réputation, c’est-à-dire les plus agaçants du monde.
Après le rai et Barbès, Andrew Hussey est rentré au Royaume-Uni où il a préparé et soutenu une thèse et est devenu professeur de français. Il s’inscrit dans la lignée de ceux qui, de Orwell à Self, se sont nourris de l’influence littéraire française, sans en être dépendants. Mais à bien lire son article du 6 février la conclusion serait que les Hussey, dansles universités britanniques, il n’y en a plus ou plus guère, or les étudiants actuels ont des circonstances atténuantes, puisque , selon lui, l’étude du français ne doit pas devenir a museum piece for specialists. Mais c’est sa conclusion qui est la plus convaincante : we can’t let French studies be hijacked or abolished by those who like France too much, on ne peut pas laisser l’étude du français détournée ou abolie par ceux qui aiment trop la France.