Le 18 août a marqué le 90ème anniversaire de la ratification du 19ème amendement à la constitution des Etats-Unis, qui est ainsi rédigé : The right of citizens of the United States to vote shall not be denied or abridged by the United States or any State on account of sex, ce qui signifie : Le droit de vote des citoyens des Etats-Unis ne sera pas refusé ou restreint par l’Etat fédéral ou par n’importe quel Etat à cause de l’identité sexuelle. Si les Etats-Unis ont pris une large avance, en la matière, sur certains pays européens, croire que ce combat-là fut facile pour les militantes américaines serait une erreur.
En effet, comme l’ont rappelé le Guardian et le NewYork Times dans leurs éditions respectives du 18 août, l’adoption de ce 19ème amendement a été acquis dans la douleur, après un très long combat politique. D’autant que le processus d’adoption est relativement compliqué, puisqu’avant l’adoption définitive par le Sénat, le dit amendement doit être accepté et voté par les trois-quarts des Etats. Donc, en ce jour du 18 août 1920, le sort des futures électrices américaines était entre les mains de l’assemblée du Tennessee. Huit Etats sudistes avaient précédemment voté contre l’octroi du droit de vote aux femmes, la principale crainte des hommes venant du fait que les nouvelles électrices rendraient probablement totalement impossible l’abrogation potentielle du 18ème amendement qui interdisait la vente d’alcool.
Le Tennessee était le centre de toutes les attentions en ce jour historique, et, c’est un jeune avocat de 24 ans, le plus jeune élu de l’assemblée, du nom de Harry T. Burn, qui, curieusement, avait soutenu auparavant le bloc anti-suffragettes, qui changea de camp et fit basculer le vote de l’assemblée du Tennessee. Le vote fut très serré et l’amendement fut adopté par 49 voix contre 47. Le journaliste du Guardian Richard Adams rappelle dans son blog que ce virage à 180° est l’œuvre de la mère de Harry T. Burn. Laquelle fit passer à son fils le message écrit suivant, à la fois plein d’humour et d’autorité maternelle, avant son intervention : Dear Son, …Hurray and vote for Suffrage and don’t keep them in doubt…I’ve been waiting to see how you stood but have not seen anything yet…Don’t forget to be a good boy and help Mrs. Catt with her ‘Rats’. Is she the one that put rat in ratification, Ha ! No more from Mama this time. With lots of love, Mama. Donc :« Cher fils, … Hourra et vote pour que les femmes puissent voter et chasse le doute de leur esprit !…J’attends de voir quelle est ta position mais jen’ai encore rien vu…N’oublie pas d’être bien sage et d’aider Mrs. Catt avec tous ses « rats » (jeu de mots de la désopilante Mrs . Febb Ensminger Burn d’une part sur le nom de Carrie Chapman Catt, chef de file du mouvement des suffragettes aux Etats-Unis à cette époque, d’autre part sur la première syllabe de rat-ification). Est-ce elle qui a mis tous ces rats dans la ratification ? Ah ! Ah ! C’est tout de la part de Maman pour aujourd’hui, Bons baisers, Maman ».
La décision du Tennessee fut un déclencheur et plusieurs autres Etats emboîtèrent le pas permettant d’atteindre l’objectif des trois-quarts, alors que d’autres y restèrent farouchement opposés. Pour mémoire le Mississippi ne ratifia le 19ème amendement qu’en 1984. Le 19ème amendement ne devint officiellement partie intégrante de la constitution que le 26 août 1920, et le mérite de ce noble combat revient à la célèbre Carrie Chapman Catt, mais le rôle décisif de la mère de Harry T. Burn a sans doute permis aux Américaines d’accéder plus vite à ce qui leur était dû.