Cette exaltante campagne américaine, qui a conduit à l'élection du 44e président, a mis en lumière quelques expressions soit idiomatiques soit purement journalistiques qu'il convient de recenser, d'autant que certains néologismes particulièrement pittoresques ont émergé.
Il y a eu tout d'abord les classiques que l'on qualifierait volontiers d'éternels :
- Caucus : Réunion informelle de militants d'un même parti dont le but est avant tout de discuter du programme des candidats à la candidature, puis de faire un choix. Les lexicologues donnent au mot une origine indienne, puisqu'il serait issu de la langue de la tribu Algonkin et signifierait parler, conseiller.
- Donkey : Symbole du parti démocrate depuis le président Andrew Jackson, qui, pendant la campagne électorale de 1828, fut affublé de ce surnom par ses adversaires. Il semble urgent d'envisager de l'attribuer désormais au parti républicain, puisque le regrettable George Bush junior mérite un "âne d'or" pour l'ensemble de son œuvre, à partager, bien sûr, avec la très consternante Sarah Palin pour son affligeante campagne.
- Electoral College : Tout le monde sait maintenant en Europe, fort heureusement, que les 538 grands électeurs sont la clé de voûte de l'élection présidentielle. Ce que l'on sait moins, en revanche, est que le nombre correspond l'addition des 100 sénateurs et des 438 représentants, ce qui fait que chaque état dispose d'un quota de grands électeurs égal au nombre de sièges d'élus de chaque chambre.
- Elephant : Illustration du parti républicain qui remonte à la campagne présidentielle de 1874, année où Thomas Nast, dessinateur au Harper's Weekly, républicain convaincu lui-même associa la force et l'intelligence de l'éléphant à l'image de son parti. Certains historiens lui attribuent également la paternité de l'âne démocrate.
- GOP : The Grand Old Party, cette appellation avantageuse, pour désigner le parti républicain, remonte à la même période, la fin du 19ème siècle, pendant laquelle le dithyrambe tenait lieu de programme pour faire, sans doute, oublier, le passé récent et sanglant de la guerre de sécession.
- National Convention : La grande foire que chaque parti tient, tous les quatre ans, en juillet, pour désigner le candidat officiel qui a remporté les primaires.
- Primary elections : Les primaires se distinguent des caucus par trois aspects essentiels : elles n'impliquent qu'un vote, mais pas nécessairement un débat ; elles ne sont ouvertes, contrairement aux caucus, qu'aux membres du parti ; et les votes concernent non seulement les candidats à la présidentielle, mais également les candidats au congrès pour les états qui font partie du tiers renouvelable.
- Running Mate : C'est ainsi que l'on désigne le co-listier, quel que soit son sexe, alors qu'à l'origine mate, dont l'équivalent sémantique est gars, était plutôt masculin. Mate est désormais unisexe.
D'autres expressions ont émergé pendant la seconde moitié du 20ème siècle, d'autres encore pendant les deux dernières campagnes de 2000 et 2004 :
- Battleground / Swing State : Il s'agit des états dans lesquels, selon les sondages, aucun candidat ne semble disposer d'une majorité confortable, et qui peuvent, ainsi, basculer d'un côté comme de l'autre.
- Blue/Red State : Raccourci bi-chromique qui permet aux chaînes de télévision de visualiser le vote d'un état en faveur des républicains (red) ou des démocrates (blue).
- Exit poll : Littéralement, un sondage sorti des urnes, expression apparue conjointement à l'expansion des instituts de sondage, à partir de l'élection présidentielle de 1980, qui, pour certains humoristes, vit la victoire d'un cow-boy, Roanald Reagan, sur un hen-pecked husband, littéralement un mari dominé par sa femme, en anglais 'picoré', image peu reluisante de Jimmy Carter.
- Soft money : Il s'agit des contributions financières qui vont aux partis politiques, alors que les plus importantes vont directement à l'état-major de campagne de chaque candidat.
- Staying on message : Cette expression désigne la fidélité d'un candidat à une ligne politique claire à travers ses discours importants.
- Stump speech : Un discours-type ou standard que le candidat peut délivrer sur toutes les estrades (stumps) de sa campagne.
- Talking points : C'est la liste des engagements de chaque candidat, c'est-à-dire discours publics et entretiens télévisés.
- Third-party candidate : Cette périphrase pompeuse qui fait référence à un mystérieux troisième parti, que l'on n'a guère vu jusqu'à présent, évoque les candidatures indépendantes des "troisièmes hommes", en général les empêcheurs-de-se-faire-élire-en-rond. Ce fut le milliardaire Ross Perot en 1992, pour le plus grand désarroi du tandem Bush-Quayle. Puis, en 2000, c'est le célèbre avocat d'affaires, Ralph Nader, qui se fit connaître en faisant plier Chrysler devant les plaintes de consommateurs et en renforçant le concept de consumerism et qui empêcha, hélas pour la planète, l'élection nette (et acquise sans l'inique intervention de la Cour Suprême) de l'excellent Al Gore en 2000.
Cette dernière campagne exaltante de 2008 a fait naître quelques néologismes fort intéressants, en commençant, bien sûr, par une "sarahpalinade" :
- Hockey mom : Cette néo-collocation avait pour but de flatter toutes les mères de famille américaines qui emmènent leurs enfants jouer des matches de hockey. Cela ne saurait constituer ni une profession de foi, ni un programme. D'après ce qu'on a vu et entendu, Sarah Palin peut-elle être autre chose qu'une hockey mom ?
- Joe the plumber : On sait maintenant, de façon sûre, que si Joe Wurzelbacher est bien républicain il n'est, en revanche, pas plus plombier que Benoît XVI membre de la Libre Pensée, qu'il a bien tenté de lancer une entreprise de plomberie, mais qu'il n'a ni qualification, ni licence, ni autorisation du fisc à qui il doit beaucoup d'argent. C'est beaucoup pour un seul homme. John McCain aurait peut-être mieux fait d'inviter Britney Spears.
- Pork barrel : Expression argotique et péjorative qui désigne une subvention accordée à une région ou une ville particulière à des fins électorales pour y gagner des votes.
- Tina Fey effect : La comédienne, qui est un incroyable sosie de Sarah Palin, n'a pas attendu cette campagne pour être connue aux Etats-Unis. En revanche, grâce à YouTube et Daily Motion, elle est désormais connue en dehors des Etats-Unis. Elle a, bien avant le 4 novembre, dit au NYT, qu'elle voterait Obama, qu'elle était sûre de sa victoire et qu'elle l'attendait avec d'autant plus d'impatience qu'elle souhaitait désormais se débarrasser de cette étiquette.
On se saurait conclure sans évoquer le slogan Yes, we can, répété religieusement – mais moins stupidement que fut scandé fra-ter-ni-té, de ce côté-ci de l'Atlantique quelques semaines auparavant – par la foule de Chicago qui écoutait tout aussi religieusement le très beau discours de Barack Obama. Ce n'est qu'un slogan, un catchword, mais il pourrait survivre à cette campagne.