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Billet de blog 11 mai 2014

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Les dérives de la Cour Suprême

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Bien que l’information circule beaucoup plus rapidement qu’autrefois, la hiérarchisation des faits et des évènements renforce parfois solidement les barrières naturelles. Il en est ainsi de l’Océan Atlantique qui fait très souvent de l’Europe, aux yeux des américains, un continent aussi indistinctement lointain que la Terre Adélie et, inversement, des Etats-Unis, aux yeux des européens, et des français en particulier, un monde d'une apparente proximité mais qui demeure éloigné et incompréhensible. Alors que les media se concentrent sur les regrettables agissements du nouveau tsar Poutine d’une part, et sur les élections européennes du 25 mai d’autre part, la Cour Suprême des Etats-Unis a pris, en moins d’un mois, deux décisions qui sont passées totalement inaperçues de ce côté-ci de l’Atlantique et qui accentuent son image ultraconservatrice ainsi que la main mise considérable de l’argent sur la vie politique américaine.

Jusqu’au 2 avril un citoyen américain ne pouvait soutenir financièrement un candidat de son choix, dans une élection primaire, au-delà de 4.600 dollars (soit environ 3.400 €), 48.600 dollars (35.000 €) tous les deux ans dans le cadre d’une élection fédérale et ne pouvait donner que 74.600 dollars (54.000 €) à un parti politique. Ces sommes donnent déjà le vertige à l’européen moyen et au salarié français de même catégorie. Or ce même jour la Cour Suprême a décidé par un vote majoritaire que ces limites constituaient une entrave au premier amendement* de la constitution et les a purement et simplement annulées, ainsi qu’en a rendu compte le NYT du 4 avril. Cette large ouverture des vannes devant l’argent-roi a déclenché l’indignation tout d’abord de la rédaction du NYT, dont l’éditorial est titré de façon éloquente The Court Follows the Money, la Cour Suprême suit l’argent, puis celle de l’éditorialiste Gail Collins dont l’article, à lire ici, est intitulé Surprise! The Rich Won One, donc Surprise ! Les riches ont gagné une bataille, ce qui donne toute sa dimension au cynisme de la Cour Suprême, puisque la dernière campagne présidentielle a crevé tous les plafonds et permis aux riches donateurs d’étendre leur influence.

Pourtant un sondage réalisé conjointement par CBS News et le NYT, le 15 janvier 2012, a montré que 8 américains sur 10 jugent impératif et moral que des limites aux dons soient fixées par la loi, mais, de toute évidence, ces considérations d’équité sociale n’ont pas retenu l’attention des neuf membres de la Cour Suprême qui ont ouvert la voie aux fortunes américaines pour façonner la politique de leur pays, selon leur volonté et leurs convenances, au mépris le plus total de leurs concitoyens moins nantis. Il faut croire que le printemps a donné une forme étincelante au pouvoir judiciaire américain de tutelle, puisque quelques jours plus tard, le 22 avril, cette même Cour Suprême, appelée à statuer sur une décision de l’assemblée de l’Ohio qui entendait restreindre et sanctionner les mensonges dans les publicités politiques, a considéré que le mensonge par les élus est une expression de leur religion et relève, là aussi, du premier amendement ! L’excellent et très respectable magazine The NewYorker a manifesté sa stupéfaction en nommant cette initiative a landmark decision, littéralement une décision qui fera date et qui va surtout accentuer les différences sociales et politiques et vraisemblablement faire la joie des mérovingiens du Tea Party.

*Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise therof ; or abridging the freedom of speech, or of the press ; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances.

Le Congrès ne fera aucune loi pour empêcher l'établissement d'une religion, ou interdire ainsi le libre exercice d'une religion ou pour limiter la liberté d'expression, de la presse et des droits des citoyens de se réunir pacifiquement et pour adresser à l'État des pétitions pour obtenir réparations des torts subis.

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