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Billet de blog 12 octobre 2016

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L'amnésie du candidat-casseroles sur Poutine

Nicolas Sarkozy intervient sur tous les sujets d'actualité qui passent à sa portée, pour s'auto-glorifier et prolonger son obscène narcissisme, mais, de toute évidence, il souffre d'amnésie...

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Le candidat-casseroles de la primaire de la droite, qui, rappelons le, est mis en examen et cité dans onze affaires judiciaires — ce qui dans une démocratie parlementaire normale, telle qu’il en existe beaucoup en Europe,  aurait mis un terme à sa carrière politique depuis longtemps — intervient désormais sur tout et a, bien évidemment, un avis sur tout, avis qui, cela s’entend aisément, est le meilleur et le plus avisé. Ainsi, alors que l’on a appris, hier, que l’actuel président de la République ne rencontrerait finalement pas le dictateur russe, Nicolas Sarkozy a aussitôt réagi : « Je regrette la politique qui est conduite avec constance vis à vis de la Russie. J’ai des désaccords avec M. Poutine, mais je considère que le devoir et l’intérêt de la France et de l’Europe c’est qu’elles dialoguent avec la Russie. Comment va-t-on arranger la situation si on ne parle que par communiqués interposés, si on se fait la tête ?… ». 

On remarquera le ton posé, presque raisonnable du candidat à la candidature qui, il est vrai, n’était pas en train de convaincre un auditoire acquis à sa cause sur la délinquance ou le port du burkini. Les groupies, qui hurlent à s’époumoner « Nicolas président ! », en seraient émus aux larmes et iraient à l’immédiate conclusion que leur champion mis en examen est bien l’homme fort qu’il faut pour tenir tête au nouveau Staline. A ces esprits faibles et influençables on sera dans l’obligation de conseiller la lecture de La France Russe, l’excellent ouvrage de Nicolas Hénin, journaliste à Radio-France dont on se souvient qu’il fut pris en otage et détenu en Syrie de juin 2013 à avril 2014.

Nicolas Hénin y rapporte une anecdote croustillante qui a eu lieu en coulisses, lors du sommet de Bucarest, le 1er avril 2008. A la suite d’un entretien entre Poutine et Sarkozy, ce dernier s’était présenté en conférence de presse dans un état tel que les journalistes présents s’étaient demandés si l’ex-président, pourtant réputé pour ne pas boire d’alcool, n’avait pas néanmoins en la circonstance abusé d’une vodka qui aurait été généreusement offerte par Poutine. La scène reprise sur les réseaux sociaux avait été un succès colossal. Nicolas Hénin s’est procuré le détail de l’échange, par le biais des interprètes et en rend compte ainsi (p-112, 113, 114), ce qui n’a strictement rien à voir avec l’abus de vodka :  

« C’est Nicolas Sarkozy qui entame la discussion, encore sûr de ses convictions, certain qu’entre personnes de la même trempe on peut tout se dire. Il attaque virilement par les sujets qui fâchent. « Je ne suis pas Jacques Chirac.Avec moi, on va parler d’Anna Politovskaïa (nom qu’il écorche, lui signale l’interprète d’une grande grimace. En conférence de presse,  il ne mentionnera plus que ‘la journaliste’), on va parler des droits de l’homme, on va parler des morts en Tchétchénie… » Le monologue dure quelques minutes, durant lesquelles Vladimir Poutine reste impassible. Il le laisse parler. Puis un silence. Que Poutine rompt sèchement : « C’est bon, tu as fini ? » Sarkozy est interloqué. « Alors, je vais t’expliquer, poursuit le Russe. Ton pays, il est comme ça… » Il fait un geste avec ses deux mains proches l’une de l’autre. Puis il écarte grand les bras : » Et mon pays, il est comme ça. Maintenant, tu as deux solutions : ou bien tu continues à parler sur ce ton, et je t’écrase. Ou alors, tu changes de registre et je peux te faire roi d’Europe. » Poutine ponctue son discours de formules grossières et humiliantes pour en accroître l’impact. Sarkozy est choqué. Il sort livide. KO debout. Lorsqu’il arrive en salle de presse pour une conférence prévue avec les journalistes, il semble absent. »

Voilà donc ce qu’est le matamore auto-proclamé, au cas où les esprits faibles pourraient voir en lui un interlocuteur de poids face au dictateur russe. A force de fréquenter Kaddhafi, le candidat-casseroles a acquis des idées fausses sur les dictateurs, il s’est imaginé qu’on pouvait leur soutirer de l’argent, puis s’en débarrasser…

Illustration 1

Nicolas Hénin, La France Russe, éditions Fayard, Paris, mai 2016, 19€.

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