Lorsqu'il devint évident, entre l'élection de Barack Obama et la fin du mois de décembre, que sa rivale dans la course à la candidature, Hillary Clinton, allait prendre la succession de Condoleeza Rice au poste de secrétaire d'état aux affaires étrangères, il devint évident aussi que son siège de sénatrice de l'état de New York allait devenir vacant. C'est alors que commença un énième épisode de la saga Kennedy.
Caroline Kennedy, fille du défunt et mythique JFK, serait-elle candidate ? Allait-elle annoncer sa candidature au gouverneur de l'état de New York, chargé, par les règles constitutionnelles de nommer un ou une remplaçante, en attendant la prochaine élection ? Il semble difficile, à ce jour, de déterminer si elle a effectivement été candidate ou si elle a été poussée vers la candidature par le clan Kennedy ou par les admirateurs du clan ? Ce qui semble absolument certain, en revanche, c'est qu'elle a renoncé, comme le confirme l'édition du 22 janvier 2009 du New York Times, alors que tous les sondages lui étaient extrêmement favorables.
Selon les deux journalistes du NYT, Nicholas Confessore, le bien nommé en la circonstance, et Danny Hakim, la raison invoquée par un proche, et non par l'intéressée elle-même, est que l'état de santé du doyen du clan, le sénateur Edward Moore Kennedy, plus communément nommé Ted, l'empêchait de briguer cette responsabilité. Certes, comme chacun le sait, Ted Kennedy est atteint d'une tumeur au cerveau et sa santé se dégrade lentement. Néanmoins, s'il est fort compréhensible que Caroline Kennedy puisse être perturbée par la maladie de son oncle, le quotidien américain a émis des réserves et s'est interrogé sur les raisons profondes et véritables de cette reculade, tout comme l'a fait le quotidien britannique The Guardian, le même jour, par le biais de son correspondant à New York, Ed Pilkington.
Les doutes sont d'autant plus grands que, comme le montre la vidéo, la première apparition dite publique de Caroline Kennedy, dans le cadre d'un processus de candidature, non seulement n'a pas laissé un souvenir impérissable, mais a, au contraire, soulevé bon nombre de questions. D'une part, elle n'avait rien à dire, ce qui prouve que son niveau de réflexion, de motivation et d'engagement pour le poste était fort mince, d'autre part le langage qu'elle a utilisé a consterné les témoins, puisqu'en moins de deux minutes elle a utilisé 30 fois, l'expression de ponctuation verbale you know. Pis encore, dans un entretien accordé au même NYT, Caroline Kennedy a été tout aussi évasive et, cette fois, on a dénombré 168 you know.
On peut considérer que l'abus de ces tics verbaux n'a rien de probant et peut fort bien masquer une certaine timidité ou trahir le fait qu'elle n'est pas encore, fort légitimement, rompue à la communication. Cependant Erving Goffman, qui, lorsqu'il était professeur de sociologie à l'Université Benjamin Franklin de Pensylvanie, a publié, entre autres brillants ouvrages, Interaction Ritual, dans lequel il explique que l'usage abusif de ce you know peut expliquer le manque total de connaissance du locuteur, qui, lui, elle en l'occurrence, does not know. Cette analyse qui n'est pas la seule possible accréditerait l'idée que Caroline Kennedy n'avait pas envie d'être candidate et qu'elle aurait été poussée sur le devant de la scène.
Le NYT avance une explication plus prosaïque : Caroline Kennedy, en cas de désignation par le gouverneur David Paterson, aurait été obligée de divulguer les bases de sa fortune personnelle, qui serait colossale, ce qui, en pleine récession, aurait logiquement engendré un certain embarras. Donc, Caroline ne reprendra pas le siège d'Hillary Clinton, qui fut celui de son oncle Robert, entre 1965 et 1968. Elle n'aura pas un siège de sénateur comme son père et ses deux oncles. Lorsque disparaîtra Ted Kennedy, il n'y aura plus de Kennedy au sénat. Les détracteurs du clan Kennedy l'appellent la famille royale américaine. Cependant, la tradition démocrate doit beaucoup à ce clan-là. Le gouverneur Paterson est allé encore plus loin dans la rupture, puisque, contre toute attente, alors que derrière Caroline Kennedy, les sondages donnaient Andrew Cuomo favori, il a nommé une illustre inconnue, Kirsten Gillibrand, une démocrate qui occupe un emploi administratif à la chambre des représentants, et qui, circonstance aggravante fait partie de la NRA, National Rifle Association, cette association, autrefois présidée par feu le très rigide Charlton Heston, qui prône le droit de chaque américain à posséder des armes à feu.