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Billet de blog 13 juin 2011

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Sisyphe et son rocher

Le journalisme est un métier noble et difficile, surtout s’il est fondé sur l’indépendance politique et économique. C’est la raison pour laquelle Mediapart trace un sillon chaque jour plus indispensable

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Le journalisme est un métier noble et difficile, surtout s’il est fondé sur l’indépendance politique et économique. C’est la raison pour laquelle Mediapart trace un sillon chaque jour plus indispensable, et c’est aussi la raison pour laquelle nous sommes, depuis décembre 2007, sans cesse plus nombreux pour adhérer à cette conception-là du journalisme. Cependant promouvoir cette idée est parfois difficile en terrain adverse.

Edwy Plenel en a fait l’expérience vendredi 10 juin, puisqu’il était co-invité, avec la rédactrice-en-chef du Parisien et le directeur de la rédaction du Point, de l’émission Le Grand Journal de Canal Plus, fourre-tout cathodique de consensus mou, dont le seul véritable intérêt est le Petit Journal de Yann Barthès, qui décortique à merveille l’utilisation abusive de l’image et du langage creux en politique. Bien que le président de Mediapart ait l’habitude et la carapace pour ce genre de confrontations, la tâche s’annonçait rude.

En effet, outre le fait que le modérateur de cette émission, sorte de Droopy surtout connu pour avoir aimablement rédigé un ouvrage sur Nicolas Sarkozy, lorsqu’il n’était que ministre, affiche une fausse objectivité exaspérante, Le Grand Journal est une sorte de foire à la promotion. On se demande encore comment Ali Badou, si talentueux sur France-Culture, peut se commettre ainsi régulièrement. Ariane Massenet est une sorte de faire-valoir, qui s’ingénie à poser des questions apprises par cœur en coulisses et dont l’ineptie pousse à se demander si, un jour, elle ne va pas, très sérieusement, demander à l’invité : ‘Vous avez l’heure, s’il vous plaît ?’, en lieu et place de question de fond.

C’est, donc, dans ce contexte qu’Edwy Plenel a tenté courageusement de faire entendre à ses interlocuteurs que le rôle du journaliste n’est pas de commenter des images, qui éloignent délibérément le citoyen des questions fondamentales, et encore moins de se livrer à des pronostics sur le proche avenir, mais de s’intéresser au présent et à la vérité des faits. Domaine dans lequel il y a fort à faire, tant, par exemple, le scandaleux consensus politique et médiatique face à la candidature de Christine Lagarde à la direction du FMI devient chaque jour plus choquant.

Au lieu de suivre la direction proposée à ce débat, les deux interlocuteurs majeurs, Jean-Michel Apathie et Franz-Olivier Giezbert, ont tenté de railler les opinions émises, en affichant ainsi une soumission totale à la ligne journalistique générale actuelle. Faut-il rappeler que Giezbert s’est fait connaître, en 1988, en abandonnant la direction de la rédaction du Nouvel Observateur pour aller prendre celle du Figaro, décision totalement stupéfiante à l’époque et qui n’était pas au crédit du métier de journaliste, d’autant que le Figaro, depuis l’ère Hersant, est désormais plus un journal militant qu’un organe d’information objective. Quant à Jean-Michel Apathie, de toute évidence, il s’imagine investi d’une mission par laquelle il est autorisé à donner des leçons de morale, dont les destinataires sont très fréquemment soit ses propres confrères, soit l’opposition, mais beaucoup plus rarement la majorité en place.

Dans ces conditions, il vaut mieux, si l’on souhaite entendre Edwy Plenel dans un cadre plus rigoureux, choisir France-Info le samedi matin à 9h15, dans son face-à-face toujours intéressant avec Alain Genestar, dont l’honnêteté et le courage ne sont plus à démontrer, et remarquablement dirigé par Céline Bayt-Darcourt, ou France-Culture le samedi à18h.

« Il faut imaginer Sisyphe heureux… », écrivait Albert Camus. Essayons…

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