Theresa May n’en est plus au stade de l’entêtement, elle est passée à celui de l’aveuglement forcené, teinté de son sempiternel dogmatisme. Par son orgueil démesuré elle a fait passer à la trappe la majorité relativement confortable dont disposait le parti conservateur à la chambre des communes (330 sièges sur 650) pour la réduire à 318 sur 650. Mais non tout va bien pour la forcenée du 10 Downing Street. Elle a fait son mea culpa devant son groupe parlementaire et hop ! elle considère qu’elle est toujours la chef incontestée des Tories et qu’elle va vaillamment conduire les négociations sur le Brexit. Cette lecture très spécieuse des récents évènements interroge non seulement sur ses capacités politiques réelles, mais également sur sa santé mentale.
Il est peu probable, en effet, que les ténors du parti conservateur qui étaient opposés à ces élections législatives anticipées lui laissent croire encore très longtemps que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes conservateur et qu’elle est le leader idéal. Et tout indique qu’elle a peu de chances d’être encore premier ministre avant le début de l’été. D’autant qu’elle vient de commettre une autre bourde de taille en décidant de s’allier au DUP, Democratic Unionist Party d’Irlande du Nord, qui compte 10 députés, considérant ainsi que 318 + 10 entraîne une majorité de coalition qui va lui permettre de continuer son chemin. Malheureusement pour elle les choses sont un tout petit peu plus compliquées que cela.
En effet c’est une étrange béquille sur laquelle Theresa May a choisi de s’appuyer. Le DUP est l’émanation du PUP, Protestant Unionist Party, proche de la Free Prysbyterian Church, créée, en 1970, par feu le pasteur d’extrême droite Ian Paisley, disparu en 2014, et dont les ennemis jurés étaient le catholicisme, l’œcuménisme et l’homosexualité. Lui-même élu député, en 1970, à Westminster du DUP, qu’il avait co-créé, il est devenu député européen en 1979 tout en étant farouchement anti-européen. Il n’avait jamais manqué une occasion d’attiser la haine entre catholiques et protestants en Irlande du Nord et de s’opposer à toutes les tentatives pour installer une paix durable et même de les torpiller, que ce soit le Sunningdale Agreement de 1974, l’Anglo-Irish Agreement de 1985 ou bien encore le Good Friday Agreement de 1998. Paisley était un peu à l’Irlande du Nord ce que le Front National est au paysage politique hexagonal. Et sa succession a été bien assurée. Le DUP est anti-européen, anti-avortement, anti-mariage pour les personnes de même sexe, et, bien évidemment, pro-Brexit. Sa dirigeante actuelle se nomme Arlene Foster et les négociations que Theresa May a engagées avec elle donne des aigreurs à bon nombre de conservateurs modérés et lucides, tels que l’ex-premier ministre John Major, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord ce nouvel allié intempestif et fort encombrant est un véritable danger pour les accords de paix signés en 1998, à l’initiative de Tony Blair. D’autre part l’Irlande du Nord a voté à 60% pour rester dans l’UE lors du référendum sur le Brexit le 23 juin 2016. Enfin le DUP doit maintenir son assise électorale en Irlande du Nord et Theresa May est décidément bien naïve de croire que ces extrémistes-là vont voter tout ce qu’elle demande sans broncher.