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Billet de blog 14 octobre 2013

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La presse britannique sous tutelle : grandeur et décadence

Il fut un temps, pas si lointain, où le Royaume-Uni faisait figure de référence quant à l’indépendance de la presse. Si la qualité éditoriale et la nature des investigations menées par les journaux dits de qualité perdurent, il faut bien avouer que l’indépendance présumée a reçu un coup mortel, la semaine dernière, le 11 octobre précisément, avec l’accord signé par les trois principaux partis politiques sur la nouvelle charte royale sur la presse.

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Il fut un temps, pas si lointain, où le Royaume-Uni faisait figure de référence quant à l’indépendance de la presse. Si la qualité éditoriale et la nature des investigations menées par les journaux dits de qualité perdurent, il faut bien avouer que l’indépendance présumée a reçu un coup mortel, la semaine dernière, le 11 octobre précisément, avec l’accord signé par les trois principaux partis politiques sur la nouvelle charte royale sur la presse.

Cette atteinte à la liberté de la presse est passée presque inaperçue, tout au moins sur le continent. Mais vous avez bien lu, un accord signé non pas par les journalistes ou les organes de presse mais par les trois principaux partis. Le parti travailliste, les libéraux-démocrates (pour lesquels il faut une solide dose de tolérance et de bienveillance pour considérer qu’il s’agit d’un parti politique à part entière, d’autant que les cabines téléphoniques sont en voie de disparition et privent les LibDems de lieux d’assemblée générale) se sont mis d’accord avec la secrétaire d’état à la culture, Maria Miller, qui représentait donc les parti conservateur pour signer the final draft of the royal charter.

Jusqu’à présent cette commission appelée Press Complaints Commission était l’interface entre le public, le lectorat au sens large et les journaux britanniques. Elle était composée uniquement de professionnels et traitait des plaintes du public sur les manquements à l’éthique journalistique. Elle s’auto-régulait ou tout au moins tentait de le faire. Voici que désormais elle est dépossédée de son bien à la suite d’une succession d’évènements dans lesquels les Tories, et, en particulier, David Cameron, ont fait preuve d’une incommensurable hypocrisie par laquelle ils ont réussi le tour de force de dépasser les scandaleuses assises sur la presse de Sarkozy en 2008, où s’étaient précipités tous  les laquais des media aux ordres.

La Press Complaints Commission vivait une existence presque normale jusqu’à ce qu’éclate, en 2011, le scandale des écoutes téléphoniques pratiquées par des journalistes du groupe de Rupert Murdoch, News International, aux dépens d’acteurs, d’actrices et de parents d’enfants disparus ou assassinés dans le but d’obtenir des scoops qui puissent faire grimper les ventes. Tout a été dit et écrit sur ce sinistre épisode, à la suite duquel Lord Leveson, qui dirigeait le Press Charter Commission, s’est hâté de réagir très lentement, tellement lentement qu’il n’a pas réagi du tout, très vraisemblablement en raison de ses liens avec le déjà nommé Rupert Murdoch. Quant au premier ministre ses liens d’amitié avec ce dernier l’ont, bien évidemment, poussé à ne rien faire qui puisse déplaire à son mentor.

La logique aurait voulu que la PCC lave son linge sale en famille, mais la presse s’est divisée sur la conduite à tenir, et que le pouvoir exécutif laisse la justice faire son travail, ce qui a été fait pour les lampistes, mais Rupert Murdoch n’a pas été inquiété directement à ce jour. Seulement mis sur le gril par une commission d’enquête parlementaire.

Donc, Cameron a profité de la confusion pour suggérer que les partis politiques soient associés à cette nouvelle commission. Ed Miliband s’est inexplicablement engouffré dans cette brèche. Le résultat est cette mise sous tutelle de la presse signée la semaine dernière. Cameron va certainement payer cher cette nouvelle gaffe – Miliband devra aussi en assumer l’odieuse paternité – car de très nombreuses voix se font entendre dans la presse (voir à cet égard la débat entre Steve Barnett, professeur de journalisme à l'université de Londres,  et Nick Cohen, éditorialiste de l’Observer, sur l’avant-dernier lien) et dans le parti conservateur, notamment celle du très bruyant et bouillonnant maire de Londres (voir dernier lien), Boris Johnson, qui attend son heure en coulisses et parle de monstrous folly. Il s’agit d’un recul de la liberté de la presse inimaginable pour un pays qui a toujours montré la voie dans ce domaine.

 http://www.theguardian.com/media/2013/oct/12/press-harter-unconstitutional-regulation

 http://www.theguardian.com/media/2013/oct/11/royal-charter-press-regulation-final-draft-newspapers

http://www.theguardian.com/media/2013/oct/14/boris-johnson-royal-charter-press-regulation

http://www.theguardian.com/commentisfree/video/2013/oct/14/state-press-regulation-debate-video

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