
Photo : Stephane Mahe / Reuters
Il y a sept ans, lorsque le Tour de France 2005 a commencé, pas un seul cycliste britannique n’était engagé dans la célèbre boucle. Aujourd’hui la course est dominée par l’équipe Sky, dont l’actionnaire majoritaire, incidemment, est News Corporation, propriété du désormais très encombrant Rupert Murdoch. Et les deux premières places du classement général sont occupées par deux coureurs britanniques, Bradley Wiggins, dont le profil en lame de couteau rappelle étrangement celui du footballeur Jacky Charlton, gloire du Leeds United des années 1970 ; et Christopher Froome, qui ressemble à un Wayne Rooney en plus svelte et intelligent, ce qui ne semble pas trop difficile. A ce duo il faut ajouter Mark Cavendish, sprinter qui, bien qu’englué dans les profondeurs du classement – 152ème à 2h06 de Wiggins –, représente un espoir très sérieux de médaille d’or dans l’épreuve sur route des prochains jeux olympiques de Londres. Le Royaume se réjouit, même s’il s’agit de sujets proches ou lointains, puisque, si Cavendish est né sur l’Ile de Man, Wiggins est né en Belgique d’un père australien et d’une mère anglaise, et la terre natale de Froome est le Kenya. Mais ce sont surtout les fabricants de cycles britanniques qui se frottent les mains.
Selon un rapport de la London School of Economics l’industrie du cycle a rapporté 3 milliards de livres sterling à l’économie britannique, l’an dernier, une augmentation de 28%, et représente 23.000 emplois. Depuis 2008 le nombre de licenciés dans les différents clubs cyclistes du Royaume-Uni a doublé pour dépasser désormais le total de 50.000 adhérents. Le même rapport de la LSE précise que, dans les trois dernières années, un nombre considérable de débutants est passé de la bicyclette urbaine à un vélo sophistiqué d’une valeur dépassant généralement 1.000 livres sterling. L’engouement est indéniable et n’est pas seulement un phénomène de mode. Lors de l’attribution du titre de sportif de l’année 2011 par la BBC, ce sont trois cyclistes qui ont pris les trois premières places : Wiggins, Chris Hoy (VTT) et Victoria Pendleton (piste), reléguant ainsi les footballeurs aux seules « unes » des tabloïdes. Le Tour cycliste de Grande-Bretagne 2011 a attiré plus d’un million de spectateurs et les organisateurs espèrent que la version 2012, qui aura lieu en septembre, sera meilleure encore, si le classement actuel du Tour de France est confirmé à l’arrivée à Paris le 22 juillet.
Si le passé cycliste du Royaume-Uni a connu un épisode glorieux, la médaille d’or de Chris Boardman en poursuite sur piste au jeux de Barcelone en 1992, il en est deux autres qui font toujours tâche, la suspension pour dopage de David Millar en 2004, qui s’est repenti depuis, semble-t-il, et qui a gagné l’étape d’hier au Cap d’Agde ; et surtout la mort de Tom Simpson, le 13 juillet 1967, près du sommet du Mont Ventoux, par overdose d’amphétamines. Or Wiggins apporte un vent nouveau, puisqu’il a toujours pris position contre le dopage, ce qui ne peut qu’encourager ses compatriotes à se tourner vers la bicyclette et participer ainsi à la protection de la nature. Et puis quel bonheur que de se promener sur les petites routes du Hampshire, du Dorset ou du Devon !...