Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

552 Billets

20 Éditions

Billet de blog 15 septembre 2011

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Les mémoires d'une bécasse

Au début de l’année 1964, Jackie Kennedy a accordé une série d’entretiens enregistrés à Arthur M. Schlesinger, conseiller du président JFK et surnommé, avec une juste condescendance par le New York Times, l’historien du pouvoir, tant la souplesse de son échine était grande.

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au début de l’année 1964, Jackie Kennedy a accordé une série d’entretiens enregistrés à Arthur M. Schlesinger, conseiller du président JFK et surnommé, avec une juste condescendance par le New York Times, l’historien du pouvoir, tant la souplesse de son échine était grande. Le dit historien s’était engagé auprès de la célèbre interviewee, disparue en 1994, à ne pas publier ces huit heures et demie de conversations. Mais Schlesinger est mort, lui aussi, en 2007, et Caroline Kennedy a décidé de publier enregistrements et textes. L’ensemble était annoncé comme un événement, c’est un gigantesque flop qui engendre l’embarras, la consternation et les sarcasmes. Et après consultation, on peut légitimement se demander quelle mouche a donc piqué la fille pour tirer sa sleeping beauty de mère de son repos éternel pour rendre publiques de telles inepsies ?

Le NYT a parlé de candid talk et de tart commentary. Le Guardian est allé plus loin dans la dérision, en recommandant aux jeunes lecteurs de ne pas confondre Jackie Kennedy avec Nigel Kennedy, le violoniste britannique, ou Jacky Charlton, frère de Bobby et ex-rugueux arrière central de Leeds United et de l’équipe de football d’Angleterre des années 1960. Cette forte ironie est d’autant plus justifiée que l’on était en droit d’espérer une distanciation, une réflexion, un éclairage intéressant sur des années politiques commencées dans le rêve et l’espoir et terminées dans une tragédie, un an auparavant, sur laquelle la veuve de JFK avait refusé de parler. On ignorait même qu’elle pût parler, tant elle était cantonnée au rôle d’épouse modèle et de mère exemplaire. On se demandait si elle n’avait pas inventé les soirées Tupperware TM, puisqu’elle en portait un en permanence sur la tête. Bien sûr on ne peut oublier que le désarroi et le chagrin étaient vraisemblablement à son paroxysme. Mais il n’en demeure pas moins que le résultat, que l’on peut écouter sur ce lien, est un florilège accablant de platitudes, de mesquineries, de lieux communs, et le tout sur un ton insupportablement monocorde d’une voix affectée et sucrée à mi-chemin entre Lady Diana et Carla Bruni.

En fait c’est une série de potins autour d’une tasse de thé tout à fait déconcertants de la part d’une femme qui a partagé la vie d’un président des Etats-Unis. Quelques exemples de jugements à l’emporte-pièce sur les plus illustres du monde de l’époque : De Gaulle ? that egomaniac, entendez cet égocentrique. Fermez le ban ! Martin Luther King ? A phony…arranging encounters with women, un faux-jeton qui trompait sa femme. Fichtre ! Jackie, on ne vous aurait donc pas tout dit ! Indira Gandhi ? A real prune, kind of pushy, horrible woman, une femme horrible, arrogante, vraiment repoussante. Madame Nhu, belle-sœur de l’ex-président sud-vietnamien et Clare Boothe Luce, qui fut journaliste, dramaturge et élué démocrate du Connecticut à la chambre des représentants, ont droit à cette noble remarque posthume : I wouldn’t be surprised if they were lesbians. A ce stade des confidences de Madame Michu-Kennedy, on frémit à l’idée de toute confidence sur son Jack de président, non sans raison : he (JFK) would change into pajamas for his 45-minute afternoon nap in the White House, il enfilait son pyjama pour faire sa sieste de 45 minutes à la Maison Blanche. On a largement touché le fond et il n’est pas impossible que Disney sollicite Caroline Kennedy pour acquérir les droits de ce chef-d’œuvre.

Crédit photographique : UPI

Post-Scriptum : Hommage posthume : Ce billet est le premier depuis le 20 août. Entretemps notre ami Jean-Robert Velveth s’en est allé brutalement, en nous laissant avec notre tristesse. J’ai perdu un ami et un complice, qui commentait toujours mes billets avec pertinence, souvent avec fraternité. Il nous arrivait très souvent de continuer l’échange par courriel personnel, parfois par téléphone. Jean-Robert faisait partie du cercle des abonnés de la première heure. Il avait été de l’aventure de l’ALM, comme beaucoup d’autres. Il était toujours d’une grande vigilance mêlée d’espièglerie et d’humour. Je vais paraphraser Brassens dans « Les copains d’abord » : jamais son trou dans l’eau ne se refermera…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.