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Billet de blog 16 décembre 2011

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Nick Clegg, version britannique du Culbuto®

Photo : Gary Calton / The ObserverEn mai 2010, il avait crevé l’écran, cathodique s’entend. Il était devenu la vedette des trois débats télévisés qui avaient précédé les élections législatives britanniques.

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Photo : Gary Calton / The Observer

En mai 2010, il avait crevé l’écran, cathodique s’entend. Il était devenu la vedette des trois débats télévisés qui avaient précédé les élections législatives britanniques. Entre un Gordon Brown, sinistre, amer et usé d’être resté trop longtemps dans l’antichambre du 10 Downing Street pour y entrer finalement épuisé politiquement, et un David Cameron, faux jeune premier qui cachait très mal le retour idéologique de Margaret Thatcher, Nick Clegg avait suscité un espoir démesuré. The Third Way, impossible et insaisissable troisième voie fantôme d’un blairisme falot et pâlot, allait-elle prendre corps ?

Puis vint le hung parliament, chambre des communes bloquée sans véritable vainqueur, qui sonna le glas du fol espoir de la renaissance des libéraux, attendue depuis 1922, année où déjà une alliance avec les conservateurs les avait propulsés vers les oubliettes de l’histoire politique du Royaume-Uni, au profit du parti travailliste et de Ramsay Mac Donald. Nick Clegg et les Lib-Dems devaient se résoudre à une alliance. Or, le contenu de la campagne, les prises de position du leader des Lib-Dems, sur l’Europe, le système éducatif, et, en particulier, l’université, la politique étrangère, n’engendraient aucune hésitation : c’était du côté Labour qu’il fallait chercher le plus d’affinités naturelles.

Pour les commentateurs politiques, il ne faisait aucun doute que l’on s’acheminait vers un nouveau Lib-Lab Pact, qui remettait en mémoire un bref accord des années 1970, annonciatrices du dramatique cabinet travailliste de Jim Callaghan, qui fit lui-même le lit de l’implacable période Thatcher. De l’espoir les électeurs britanniques étaient passés au désenchantement, puis à l’authentique stupeur lorsque Nick Clegg décida d’apporter sa caution au parti conservateur, en avalant toutes les cravates, couleuvres et autres sabres de la campagne électorale. Rarement reniement aura été plus total, brutal et incompréhensible. Et depuis, le vice-premier ministre, titre nouveau créé spécialement pour lui, coquille vide et récompense d’un soutien contre nature à une coalition la plus réactionnaire de l’histoire, est allé de reculade en humiliation, mais sans jamais démissionner.

Chez les Lib-dems, donc, on culbute, ou plutôt on est culbuté mais on ne tombe pas. La dernière honte en date est la réaction du ci-devant vice-premier ministre, après l’attitude et les propos de David Cameron lors du dernier sommet européen. Certes Nick Clegg a dénoncé aussitôt le comportement de son allié de premier ministre, comme l’a rapporté le Guardian : guilty of serious negotiating failures that risked damaging the national interest, British jobs and economic growth., coupable de graves échecs de négociations qui risquaient de porter atteinte à l’intérêt national, aux emplois britanniques et à la croissance économique. Et que croyez-vous qu’il arrivât ? Nick Clegg est toujours vice-premier ministre. Il plie mais ne rompt pas.

La plupart des quotidiens britanniques ont largement souligné les contradictions de Nick Clegg, mais l’écoute attentive de l’interview accordée à la BBC est proprement accablante et le langage utilisé par Nick Clegg extrêmement révélateur. Outre le fait que le vice-premier ministre se déclare bitterly disappointed, étrangement la BBC a coupé un passage où Nick Clegg affirmait ne pas vouloir que le Royaume-Uni devienne a pygmy nation, une nation pygmée. Une métaphore aux relents furieusement colonialistes et condescendants qui ne semblent pas avoir ému outre mesure de l’autre côté de la Manche, où Nick Clegg est toujours à son poste.

A l’heure où de ce côté-ci de la Manche, on entend prôner l’union nationale, qui consiste à nationaliser les échecs et les dettes après avoir privatisé les profits, Nick Clegg incarne totalement cette ambiguïté politique majeure. Et en cette période de Noël Culbuto® ne peut intéresser que les très jeunes enfants et les électeurs britanniques ne sont plus des enfants…

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