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Billet de blog 17 décembre 2008

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Sir Paul s'approprie l'histoire des Beatles

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Lorsque Valérie Lemercier affirmait dans une publicité télévisée qui vantait les mérites d'un dessert surgelé : "C'est moi qui l'ai fait !", on avait envie de rire. Mais lorsque Sir Paul McCartney, 66 ans depuis le 18 juin, revisite l'histoire des Beatles, d'une manière très stalinienne, peut-être en souvenir de Back in the USSR, là on n'a plus du tout envie de rire. C'est pourtant, malheureusement, ce que vient de faire Macca, comme le surnomme la presse tabloïde. Il a, en effet, accordé un entretien assez surréaliste à l'excellent mensuel Prospect qui sera publié dans le numéro de janvier et dont le Guardian du 15 décembre a publié quelques extraits.

Sans doute jaloux ou vexé que l'on ait toujours considéré, à juste titre, John Lennon, comme la conscience politique du groupe, McCartney affirme, sans rire, que c'est lui – et donc, entendez bien personne d'autre – qui a politisé les Beatles. Et comment s'y est-il pris ce stratège auto-proclamé ? Très simple ! Quelqu'un, on ne sait rien de ce quelqu'un, "someone said to me", c'est vague. Bref, ce quelqu'un, donc, lui a dit que Bertrand Russell habitait Chelsea. Il a sauté dans un taxi et est allé frapper à sa porte. Et, là, miracle, Paul Soubirou-McCartney a été frappé par la grâce : il a écouté le philosophe qui lui a raconté la guerre du Vietnam, dont, dit-il, on ne parlait pas dans les journaux – bien que Macca ne date pas son entrevue, on peut se demander s'il n'habitait pas, à l'époque, sur l'ilôt de Clipperton, ou s'il n'y avait pas un chien méchant devant la porte de son newsagent – et qui lui a dit que c'était une vilaine guerre. Donc Oui-Oui-McCartney est allé rejoindre ses trois petits camarades et leur a raconté comme le monde était affreux.

Jusqu'à présent on a beaucoup pardonné à Sir Paul, parce que ce qui importait c'était la complicité de création Lennon-McCartney, puis la connivence de finition et d'interprétation Lennon-McCartney-Harrison-Starr. Peu importe qui écrivait les paroles, qui composait la musique, le résultat était splendide. Donc, depuis quelques années, on avait pris l'habitude de lui pardonner beaucoup, beaucoup : ses insupportables manières de chochotte à chaque interview, ses colorations capillaires dignes d'une péripatéticienne sur le retour, ses productions atrocement commerciales post-séparation Beatles à l'approche de Noël, mais là, il va nous falloir beaucoup, beaucoup de patience et de tolérance, en souvenir des services rendus au rêve universel, pour ne pas commencer à le détester franchement.

Si Sir Paul s'abonnait à Mediapart pour Noël justement, abonnement de soutien évidemment, ce qui serait une preuve de bon goût, on pourrait lui rappeler un simple épisode : lorsqu'en 1965, sur proposition du premier ministre travailliste, Harold Wilson, les Beatles furent reçus comme MBE, Members of the Order of the British Empire, équivalent grand-breton de la légion d'honneur, dix-huit mois plus tard John Lennon renvoya sa médaille pour protester contre l'attitude impérialiste de l'armée britannique dans le conflit qui opposa le Nigeria avec sa province du sud-est qui voulait faire sécession, le Biafra. On n'a pas vraiment le souvenir que Paul McCartney ait suivi son camarade dans ce geste à la fois noble et fantasque, puisqu'il termina sa lettre à la reine par le célèbre et très irrévérencieux Lots of love from John, bons baisers de la part de John. Peut-être que Macca n'avait pas encore trouvé l'adresse de Bertrand Russell à l'époque. Dans la magnifique chanson I've got a feeling, écrite par le même Paul, il y a une petite phrase prémonitoire : I'd hate to miss the train, je détesterais rater le train. C'est fait, c'est fait, Sir Paul, il faut rentrer chez vous, maintenant.

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