Jusqu’à la semaine dernière le Dakota du Sud avait l’image d’un état montagneux paisible, dont le Mount Rushmore est l’emblème, depuis qu’Alfred Hitchcock l’a immortalisé dans le magnifique North by Northwest, La mort aux trousses. Bien qu’ayant souvent voté majoritairement pour les candidats républicains à l’élection présidentielle, le South Dakota n’a jamais été, pour autant, une terre politique extrême, puisque le sénateur démocrate Daschle en est l’élu et que, parmi ses illustres prédécesseurs, il y a eu feu George McGovern, candidat démocrate malheureux à l’élection présidentielle de 1972, face au sortant républicain bientôt sorti, Richard Nixon. Mais depuis le mercredi 16 février 2011 le Dakota du Sud aura désormais une autre image, beaucoup moins glorieuse celle-là.
Comme le rapporte, avec consternation, A.G. Sulzberger, journaliste du New York Times, dans son édition du 17 février, le House Judiciary Committee de l’assemblée du South Dakota a voté l’extension de la définition du justifiable homicide, équivalent sémantique de la légitime défense. Si cette appellation générique semble neutre, en revanche le texte explicatif a fait dresser les cheveux sur la tête de tout ce que les Etats-Unis comptent de défenseurs de la démocratie et des libertés individuelles : ‘homicide is justifiable if committed by any person in the lawful defense of such person, or of his or her husband, wife, parent, child, master, mistress, or servant, or the unborn child of any such enumerated person’, ce qui signifie : « l’homicide est justifiable s’il est commis par quiconque en situation de défense légale de son mari, de son épouse, de ses parents, de son enfant, de son maître ou de sa maîtresse d’école, de son domestique, ou de l’enfant à naître d’une des personnes énumérées ».
Ainsi donc serait légalisé l’assassinat des médecins pratiquant des avortements, puisqu’il s’agirait de légitime défense du bébé à naître. Le tollé a été tel à travers les Etats-Unis que la dite loi n’a pas été promulguée, mais simplement suspendue. Si les adversaires de l’avortement se réjouissent bruyamment, tous les autres citoyens non seulement du Dakota du Sud mais aussi de l’ensemble des Etats-Unis sont abasourdis et consternés. Même le gouverneur républicain du South Dakota, Dennis Daugaard a reconnu :’Clearly the bill as it’s currently written is a very bad idea’, « Il est évident que le projet de loi tel qu’il est rédigé est une très mauvaise idée ». Etrange démenti en vérité, puisque ce qui choque le gouverneur, c’est la formulation et non le fond.
Daugaard n’est pas précisément un progressiste pour autant. Si l’on consulte son site, on peut consulter avec effarement les dernières lois de l’état qu’il s’enorgueillit d’avoir promulgué en 2010. Il y a, notamment, la loi qui abroge les pouvoirs du Département Fédéral de l’Environnement en matière de surveillance des piscines publiques et de l’utilisation des pesticides. Plutôt qu’un authentique démocrate, le gouverneur républicain est un véritable poujadiste dans la droite ligne du Tea Party. Mais qu’espérer dans un pays où la vente libre des armes à feu n’a toujours pas fait l’objet d’une réflexion profonde, malgré la volonté de Barack Obama ? En attendant, un habitant du Dakota du Sud est très inquiet pour sa sécurité. Il s’agit du Dr. Marvin Buehner, médecin à Rapid City et seul praticien à pratiquer des avortements sur des femmes dont la santé et la vie sont en danger.