Walter Cronkite est mort à son domicile de New York, vendredi 17 juillet, comme le relate le NYT. Avec lui c'est une conception du journalisme télévisé qui disparaît. Célèbre à travers les Etats-Unis, et même au-delà, pour avoir été le présentateur du journal du soir de CBS, du début des années 1960 jusqu'au début des années 1980, sa voix grave et son visage, qui rappelait celui de Walt Disney, en firent une vedette et un compagnon familier et rassurant de toute l'Amérique.
Walter Cronkite s'effaçait devant ce qui constituait pour lui l'essentiel, l'information, un exemple, qui, malheureusement, n'a guère fait d'adeptes. Du reste, lorsque Dan Rather lui succéda, en 1982, ce dernier prit la décision d'ouvrir son journal en lançant " Dan Rather reporting", donnant ainsi à penser que le news anchorman était lui-même la principale nouvelle, tendance socio-linguistique accablante, alors que Cronkite se contentait d'un humble Good evening, et terminait invariablement chaque journal par la formule rituelle, révélatrice de la primauté des faits : And that's the way it is, que l'on peut traduire par : Et c'est ainsi.
Respecté dans la profession et indépendant vis-à-vis du pouvoir politique, Walter Cronkite avait vraiment commencé sa carrière de journaliste avec United Press, comme correspondant sur le front, notamment en Belgique, pendant la seconde guerre mondiale. Remarqué par CBS, en 1943, il laissa l'état-major de cette même chaîne pantois en refusant un salaire plus important pour rester à United Press. Ce n'est qu'en 1950 qu'il accepta de rejoindre CBS, avec une aura plus grande encore. En 1973, dans le cadre d'une interview donnée à The Christian Science Monitor, il ré-affirma son attachement à une conception non théâtralisée de son métier en déclarant : "I feel no compulsion to be a pundit", c'est-à-dire je ne ressens aucune obligation d'être un pontife.
Bien qu'il n'ait jamais montré ni préférence ni choix à l'antenne, le 22 novembre 1963 l'Amérique sous le choc s'identifia à Walter Cronkite, qui, à 14h30 central time, retira ses lunettes en retenant ses larmes, comme le montre ce document, pour annoncer la mort de John Fitzgerald Kennedy, qu'il avait interrogé longuement pendant son journal, deux mois plus tôt. Cronkite était une référence tellement écoutée et si populaire que, lorsqu'il décida de conclure une émission consacrée au Vietnam, en 1968, en affirmant que la guerre était un échec et qu'il fallait envisager une paix négociée, Lyndon Johnson, qui était devant sa télévision, lâcha à ses conseillers : "If I've lost Cronkite, I've lost Middle America", si j'ai perdu Cronkite, j'ai perdu l'Américain moyen.
En 1977, ses entretiens avec Anouar-El-Sadat et Menachem Begin posèrent les bases de la visite du premier à Jérusalem et du futur accord de paix. Etranger aux honneurs du pouvoir et aux dîners-en-ville, Walter Cronkite privilégiait son métier et sa vie de famille, un noble choix, qui, non seulement, ne s'est pas répandu de côte à côte, mais n'a pas non plus traversé l'Atlantique.