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Billet de blog 19 janvier 2015

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La face cachée du rhinocéros

Si David Cameron a cru, pendant quelques heures avant la fin de l’année 2014, que la basse attaque de Tony Blair à l’endroit d’Ed Miliband, comme le relate leGuardian du 30 décembre, allait lui donner un petit répit, il s’est lourdement trompé pour trois raisons essentielles.

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Si David Cameron a cru, pendant quelques heures avant la fin de l’année 2014, que la basse attaque de Tony Blair à l’endroit d’Ed Miliband, comme le relate leGuardian du 30 décembre, allait lui donner un petit répit, il s’est lourdement trompé pour trois raisons essentielles. Tout d’abord, Tony Blair fait l’objet d’une détestation dans l’opinion publique d’une ampleur jamais atteinte depuis Margaret Thatcher et ses remarques ont laissé de marbre cette même opinion puisque les derniers sondages donnent toujours le Labour en (courte) tête pour les prochaines élections du printemps. Ensuite la classe politique dans son ensemble commence à être sérieusement fatiguée de l’arrogance  et, surtout,  de l’impunité dont semble bénéficier l’ancien premier ministre travailliste — le député conservateur de la circonscription du North West Leicestershire, Andrew Bridgen, vient de lancer une campagne publique (à lire dans l’Independent de ce jour) pour que Blair, considéré comme multi-millionnaire, déclare l’intégralité de ses revenus, car il le soupçonne non seulement d’œuvrer pour des régimes étrangers peu recommandables, tels que l’Azerbaïdjan, mais aussi d’utiliser son image d’ex-premier ministre pour des gains considérables non déclarés au Trésor —. Enfin, l‘éventuelle joie de Cameron aura été brève car, ce même 30 décembre, ont été publiées les archives trentenaires des années 1984 à 1986, pendant lesquelles Thatcher était au pouvoir.

Et le moins que l’on puisse dire à la lecture de ces publications est qu’elles aggravent un peu plus le sinistre bilan politique de l’ex-premier ministre conservateur Margaret Thatcher, alias le rhinocéros. Voici un florilège de la « noble » pensée et du « talent » de ce même rhinocéros :

sur le GCSE : (General Certificate of Secondary Education) qui, en 1984, sous l’impulsion du ministre de l’éducation de l’époque, Sir Keith Joseph, devait remplacer les O-levels et le CSE (Certificate of Secondary Education), sorte de certificat de fin d’études secondaires pour la tranche 14-16 ans qui n’envisageait pas d’aller à l’université, Margaret Thatcher était contre, car elle considérait que cette réforme abaisserait le niveau et introduirait chez les adolescents a can’t fail mentality, littéralement l’état d’esprit du « on ne peut pas échouer » !

sur la grève des mineurs : la publication des archives nous apprend que l’ensemble du gouvernement était extrêmement réticent quant à l’initiative de Thatcher d’utiliser les agents du MI5 pour localiser et saisir les fonds des syndicats de mineurs, d’autant que cette démarche, digne de son très cher ami Pinochet, risquait de révéler l’identité des agents en question.

sur les football hooligans : 1985 ayant été marquée par les 39 morts du stade du Heysel à Bruxelles, lors de la finale de la Coupe d’Europe — en bon français désormais la Champions’League…—entre la Juventus de Turin et Liverpool, le chef du service de presse de Downing Street, Bernard Ingham, avait suggéré à Thatcher (l’idée initiale venait d’Elton John, à l’époque président du club de Watford) d’impliquer les gardiens de but, sous le prétexte qu’ils sont juste devant les tribunes populaires, et de lancer une campagne intitulée goalies against hoolies, les gardiens contre les voyous.

sur les army boots : le ministre de la défense de l’époque, Michael Heseltine, qui sera celui qui précipitera le départ du rhinocéros en 1990, fit remonter au premier ministre une note soulignant le piteux état des chaussures des militaires et n’eut pour réponse que ceci : I will show it to Anthony Jay. Je vais montrer ça à Anthony Jay. Jay était le scénariste de la comédie diffusée en série télévisée sur la BBC, Yes Minister.

sur Mrs. Whitehouse (Constance Mary Whitehouse, cible de tous les humoristes, un croisement entre Christine Boutin et Geneviève de Fontenay, était la présidente de la National Viewers’ and Listeners’ Association et dénonça, sans relâche jusqu’à sa mort en 2001, les atteintes à la morale sur les ondes et les écrans) : Mary Whitehouse ayant envoyé une lettre à son rhinocéros préféré pour se plaindre du peu de considération que lui avait accordé, lors d’un entretien, Douglas Hurd, ministre de l’intérieur — qui la prenait, à juste titre, pour une folle —, elle fut reçue par Thatcher et Hurd désavoué.

sur la  ‘loadsofmoney’ culture (littéralement la culture des ‘tonnes de fric’) : le secrétaire général du gouvernement, Sir Robert Armstrong, avait attiré l’attention de Thatcher sur le danger de la dérégulation au sein de la City et sur le développement des méthodes peu scrupuleuses pour gagner beaucoup d’argent en peu de temps. Sa note à Margaret Thatcher demeura sans réponse.

La publication de ces archives confirme largement ce que l’on pensait de Margaret Thatcher, le premier ministre le plus anti-social de l’histoire politique du Royaume-Uni, dont les dignes héritiers ont dépassé les espérances. La face cachée du rhinocéros, c’est d’une part le passage au pouvoir du présumé travailliste Blair et, d’autre part, l’émergence de David Cameron, qui détruit tout aussi consciencieusement ce qui restait du Welfare State. Le quotidien The Guardian organise un débat le 2 février, à l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Polly Toynbee et David Walker, éditorialistes du même quotidien, Cameron’s Coup, à Conway Hall à Londres. Les deux avaient déjà publié une critique grinçante des années Blair, Did Things Really Get Better?

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