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Billet de blog 19 mars 2008

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Ce que "clique" veut dire à Pékin

Il est habituel de considérer que le langage est révélateur de la pensée d’un individu, voire de sa personnalité. En traitant le Dalaï-Lama de « chef de clique », les dirigeants chinois ont non seulement remis au goût du jour une sémantique violemment stalinienne,

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Il est habituel de considérer que le langage est révélateur de la pensée d’un individu, voire de sa personnalité. En traitant le Dalaï-Lama de « chef de clique », les dirigeants chinois ont non seulement remis au goût du jour une sémantique violemment stalinienne, mais ont également fait étalage de leur volonté politique réelle, de leur irrespect des droits du citoyen et de l’absence de profondeur de leur pensée. En effet, il était fréquent d’entendre parler de « la clique révisionniste », lorsque l’ex-URSS était sous le joug stalinien, pour nommer quiconque était favorable à un minimum de démocratie.

De plus, en Chine depuis des temps anciens, le mot « clique » est associé aux factieux, mafieux et opposants du pouvoir, regroupés ainsi dans une même catégorie. Il serait, incidemment, intéressant de savoir, s’il y a des sinologues distingués parmi, les abonnés de Mediapart, quel est le mot chinois précisément utilisé et quelle est la variété de traductions possibles. Pour ce qui concerne l’équivalent sémantique qui nous est régulièrement donné en français, « clique », si nous cherchons dans les différents dictionnaires de la langue, nous constatons que, pour le Littré, sobrement et brièvement, c’est « un terme qui désigne une coterie » ; le Robert reprend et élargit la même acception, « terme de mépris pour désigner une coterie, un groupe de personnes peu estimables », et donne comme synonymes possibles, « bande, cabale » ; enfin pour le TILF, Trésor Informatisé de la Langue Française, œuvre du CNRS, il s’agit d’un « groupe de personnes qui se coalisent pour intriguer, nuire à quelqu’un ou quelque chose, par des moyens malhonnêtes », d’un « groupe primaire dont les membres sont unis par des obligations réciproques », ou bien encore d’un « terme d’injure adressé à une personne méprisable ».

Comme le Dalaï-Lama symbolise la sérénité, la paix et la défense du Tibet, alors que l’actuel régime chinois s’est plutôt rendu tristement célèbre par la violation permanente des droits de l’homme, l’usage du mot « clique » a un effet boomerang et s’applique beaucoup plus aux dirigeants de la Chine. Nous ne nous attarderons pas sur le sens premier de « clique », qui fait référence à un « ensemble des tambours et des clairons d’une musique militaire » et qui désigne fort bien le tintamarre que font les hommes politiques en place à Pékin.

Cette utilisation très spécieuse du langage rappelle les relations entre l’ex-URSS avec les pays membres du défunt Pacte de Varsovie. Le 1er août 1968, la majeure partie de la presse française avait titré en « une » : Les troupes soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie, alors que la Pravda du même jour avait annoncé : Les troupes du pacte de Varsovie portent secours au pays frère. Est-ce à dire que l’honorable régime démocratique de la République Populaire de Chine s’apprête à porter secours à ses frères tibétains pour y déloger la clique ?

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