Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

552 Billets

20 Éditions

Billet de blog 19 mai 2008

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Les murs de l'empire Murdoch se fissurent

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il a déjà été question, dans l'édition paperroll de Mediapart, de l'empire médiatique de Rupert Murdoch, qui est à la presse britannique ce que Citizen Kane a incarné au cinéma et ce que le groupe Lagardère représente en France. L'excellent blog de Roy Greenslade, dans le Guardian, a aussi déjà fait l'objet d'articles préalables. Or ce dernier écrit également une rubrique régulière dans le quotidien londonien du soir, The Evening Standard. Le 15 mai, il a analysé ce qui pourrait constituer les signes avant-coureurs du déclin de l'empire Murdoch. Le quotidien The Sun, fleuron de News International, a fait l'objet d'une enquête de marketing qui fait apparaître que ce journal est à la fois le plus aimé et le plus détesté au Royaume-Uni, privilège très spécifique qu'il partage, toutes catégories confondues avec la chaîne de supermarchés Tesco, la compagnie aérienne British Airways et le club de football Manchester United.

Au-delà de ce déficit d'image partagé et de cette dichotomie amour-haine, l'enquête que commente Roy Greenslade révèle que l'heure de gloire du Sun appartient désormais au passé. Ce tabloïd n'est plus une force dominante. En 1966, son tirage quotidien était de 1.248.000 exemplaires, il est monté jusqu'à 4.203.000 en 1998, chiffres qui, comparés à ceux de la presse écrite française, ont de quoi donner le tournis. En avril 2006, le nombre de numéros vendus était de 2.716.000, en avril 2007 il est tombé à 2.362.000 pour finalement atteindre 2.120.000 en avril 2008. Et la chute continue, à tel point que Rupert Murdoch, qui ne recule devant aucun sacrifice pour sauver le journal préféré de son groupe – le premier qu'il ait acheté au Royaume-Uni, avant de s'emparer de la citadelle du Times et du Sunday Times - a décidé de faire baisser le prix de vente du journal de 25 pence à 20 (environ 35 centimes d'euro), soit 10 pence au-dessous de ce que devrait être son prix de base de rentabilité, pour tenter de stimuler les ventes. Le Sun demeure le plus gros tirage de la presse écrite britannique, c'est dire à quel point les autres, et en particulier les quality papers, tels que le Guardian, l'Independent ou le Telegraph souffrent eux aussi. Sans les suppléments télé, le tabloïd serait sans doute dans la même situation que ses concurrents red tops, c'est-à-dire ceux dont le titre est sur fond de bandeau rouge en "une", tels que le Daily Mirror et le Daily Mail. Alors est-ce à dire que les page3 girls vont bientôt aller se rhabiller ? C'est une hypothèse qui n'est pas exclue, d'autant que cette dégringolade va de pair avec une recherche de respectabilité, qui a pour but de sauver les meubles. Les titres de "une" dévastateurs, ouvertement xénophobes et nationalistes sont beaucoup moins nombreux, ainsi que les encouragements à la délation ou les articles anti-européens ou plus précisément anti-français. Le Sun va-t-il redevenir ce qu'il était dans les années 1960, un journal de gauche et populaire?

Murdoch est avant tout un gestionnaire, et, si son "chouchou" continue à perdre de l'argent en masse, il pourrait bien s'en débarrasser avant que le gouffre financier ainsi créé ne perturbe tout le groupe de News International. Ce serait alors la fin de l'empire Murdoch, tout au moins au Royaume-Uni.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.