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Billet de blog 19 juin 2010

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England 0 - Algeria 0 : we are not amused!

En ce 18 juin 2010 la preuve a été faite que, dans les situations difficiles tout comme il y a soixante-dix ans, la France peut toujours compter sur le Royaume-Uni.

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En ce 18 juin 2010 la preuve a été faite que, dans les situations difficiles tout comme il y a soixante-dix ans, la France peut toujours compter sur le Royaume-Uni. Ainsi alors que la pitoyable démonstration de l’équipe de France de football de la veille était encore toute fraîchement pénible dans les mémoires, les footballeurs anglais ont tenu à pousser très loin leur sens aigu de la solidarité en montrant qu’il était possible de faire sinon pire tout au moins aussi navrant par un insipide match nul contre l’équipe d’Algérie. Les deux rejetons de son altesse royale le prince Charles, William et Harry, étaient dans les tribunes et auraient pu, à l’issue de cette punition, reprendre la célèbre expression de leur arrière-arrière-grand-mère, la reine Victoria : we are not amused. On remarquera qu’ils se sont bien tenus, ce qui pour Harry est un authentique exploit, et qu’ils ont donc mis en pratique les principes victoriens d’éducation : children should be seen not heard.

La presse britannique, tout au moins les quality papers, n’a guère goûté cet écart qui ravale l’équipe nationale des grands-bretons au pitoyable niveau des frogs. Le Guardian du 19 juin a sans doute été le moins cruel en titrant : England labour to goalless draw with Algeria, ce qui signifie l’Angleterre fait une laborieux nul sans but avec l’Algérie. Il y a au moins une satisfaction de l’autre côté de la Manche, c’est que le très fantasque gardien de but David James, surnommé Calamity James en raison du nombre de ses bourdes, n’a fait aucune erreur pendant ce match. C’est à peine si le même quotidien a noté que Rooney avait été subdued, c’est-à-dire mis sous l’éteignoir, ce qui est sobre quand on sait que l’avant-centre de Manchester United, facilement identifiable avec son visage à mi-chemin entre le bulldog et le boxeur sur le retour, avait fanfaronné que la victoire ne faisait aucun doute. Rooney a quand même été hué par les quelques supporters britanniques qui ont fait le déplacement jusqu’en Afrique du Sud.

L’Independent n’a retenu que les chances de qualification qui semblent tenir à un fil, England hopes hanging by thread after awful performance. Le choix de l’adjectif awful, affreux, semble tout à fait pertinent. Le même journal a choisi de charger l’entraîneur italien Fabio Capello, qui, rappelons-le, ne parle anglais que depuis quelques semaines et encore s’agit-il d’un anglais parlé que ne désavoueraient ni Jacques Delors ni feu Yasser Arafat : Capello said yesterday he has not made any mistakes. After watching his team hardly threaten the Algerian goal, if he still feels that way, his bunch of players truly are woeful, ce qui signifie : Capello a déclaré hier qu’il n’a pas fait d’erreur. Après avoir observé son équipe à peine menacer le but algérien, s’il continue à penser cela c’est que son groupe de joueurs est lamentable.

LeTelegraph portant haut la souffrance du royaume tout entier a simplement mis le score en « une ». Le quotidien conservateur a versé dans l’ironie mordante en constatant que les supporters britanniques qui ont fait le déplacement sont des supporters de Portsmouth, Nottingham Forest, Sheffield United, Leicester City, Peterborough United et Bournemouth, qui ne sont que des équipes de division 2 et 3, ce qui sous-entend que l’équipe nationale ne mérite guère mieux : There was plenty of Pompey on the pitch and plenty in the stands, judging by some of the 150-plus flags. Nottingham Forest, Sheffield United, Leicester City and Peterborough United were also well-represented and the honeymoon couple from AFC Bournemouth. On remarquera que le Telegraph associe le jeu pratiqué par l’équipe d’Angleterre à celui de Pompey, surnom de l’équipe de Portsmouth qui est reléguée en division 2.

Le Times a, quant à lui, titré : Dismal England held by lowly Algeria, « une » qui fleure bon la condescendance de l’ex-puissance coloniale puisqu’elle signifie : Une lugubre Angleterre tenue en échec par une humble Algérie. Le journal de son autre majesté, Rupert Murdoch, fossoyeur de la liberté journalistique, s’en prend à la fois au sélectionneur et aux joueurs : Fabio Capello remarked…18 months ago that the players seemed to find the shirt ‘heavy’. Last night…it looked leaden, ce qui signifie : Il y a dix-huit mois (quand il a pris ses fonctions) Fabio Capello a remarqué que le maillot de l’équipe d’Angleterre semblait être lourd à porter. Hier soir on aurait dit qu’il était en plomb.

Ce qui est étonnant, quel que soit le côté de la manche d’où l’on se place, c’est qu’aucun de ces journaux, spécialisés ou pas, ne remet en question les salaires faramineux de tous ces nababs, ni les mécanismes de gestion des clubs britanniques, ni les déficits monstrueux de la plupart des clubs.

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