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Billet de blog 19 juin 2015

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Le New York Times découvre Besançon

Qui l’eût cru ? Le New York Times et ses lecteurs savent désormais qu’à l’est de la France — la chaîne météo s’entête à parler de centre-est, tant pis !… et ne dites surtout pas à un étranger que Besançon est à l’est de la France, l’américain moyen ayant déjà du mal à situer la France, dites plutôt que c’est à environ cent cinquante kilomètres à l’ouest de Genève, c’est ce qu’a fait le NYT — il existe une ville, Besançon, capitale de la Franche-Comté et chef-lieu du Doubs.

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Qui l’eût cru ? Le New York Times et ses lecteurs savent désormais qu’à l’est de la France — la chaîne météo s’entête à parler de centre-est, tant pis !… et ne dites surtout pas à un étranger que Besançon est à l’est de la France, l’américain moyen ayant déjà du mal à situer la France, dites plutôt que c’est à environ cent cinquante kilomètres à l’ouest de Genève, c’est ce qu’a fait le NYT — il existe une ville, Besançon, capitale de la Franche-Comté et chef-lieu du Doubs. Le 11 juin, un journaliste du service tourisme et voyages du quotidien américain,  Seth Kugel a relaté son séjour de trois jours et deux nuits à Besançon et dans le département. C’est vraisemblablement le classement de la citadelle, construite par Vauban pendant le règne de Louis XIV, au patrimoine de l’Unesco en 2008 qui a aiguisé la curiosité du journaliste américain, d’autant qu’il avoue un faible, qui remonte à l’enfance, pour châteaux et forts.

Son étonnement commence par le zoo de la dite citadelle, et notre étonnement aussi, car, s’il était venu quelques années plus tôt, il aurait découvert deux pauvres pachydermes qui se marchaient sur les pattes dans un espace plus petit que le bureau de Mathieu Gallet à Radio-France et une girafe qui n’en finissait pas de regarder, avec une tristesse infinie, la boucle du Doubs en rêvant sans doute de l’horizon de la savane. Ses louanges plus appropriées continuent fort justement avec le musée Comtois et, surtout, le Musée de la Déportation et de la Résistance, créé par Denise Lorach et son époux, Jacques, qui furent avocats au barreau de Belfort et déportés à Bergen-Belsen avec leur fils aîné, Jean-Serge, qui avait quatre ans. Kugel est ensuite redescendu dans la « Boucle » — le centre de Besançon est ainsi surnommé parce que le cours du Doubs contourne la ville en formant une boucle — pour s’extasier devant une création récente (ce qui semble paradoxal…), le Musée du Temps, ainsi que devant la maison natale de Victor Hugo, qui jouxte celle des frères Lumière (rappelons, pour éviter tout chauvinisme local excessif que Victor Hugo n'a vécu à Besançon que les six premières semaines de sa vie...).

Mais le plus surprenant est à venir. Après avoir avantageusement vanté les mérites du TGV, ce qui donne à penser qu’il a dû bénéficier d’un train spécial, puisqu’il chante les louanges du trajet de deux heures, alors qu’il est normalement de deux heures trente-cinq, Seth Kugel a été dithyrambique sur les fromages, et en particulier le Comté. Quel bonheur de voir un tel enthousiasme amplement mérité, alors que ce délice a fait l’objet de tant de tracasseries pour être exporté vers le pays de Kugel ! …Le journaliste du NYT est d’ailleurs tellement « tombé en amour », comme disent les Québécois, devant le Comté qu’il est remonté à la source, c’est-à-dire jusqu’au Fort Saint-Antoine, sur la commune de Malbuisson dans le Haut Doubs, pour aller visiter les caves d’affinage. Pour ce faire il est allé chez un loueur de voitures, dont la mère, émue,  avait vu arriver le premier soldat américain libérateur dans les rues de Besançon, en septembre 1944. 

Il a ensuite fait le tour de quelques restaurants bisontins et s’est littéralement enflammé pour la cancoillotte chaude servie sur des pommes de terre et de la saucisse de Morteau, un excellent choix en effet, mais il faut se réjouir qu’il ne l’ait pas goûté froide, car, désolé par avance pour les francs-comtois de naissance, mais elle pourrait être une concurrente sévère pour la colle à papier peint. Étonnamment, dans un autre restaurant, où il n’avait pourtant rien à se reprocher, on lui a servi un « croustillant au maroilles », sans lui expliquer que, sans le film caricatural Bienvenue chez les ch’tis, ce fromage, qui n’est, bien évidemment, pas franc-comtois, serait resté dans l’anonymat qu’il mérite amplement. Il s’est également émerveillé devant les vins blancs du Jura, et notamment après avoir dégusté du Savagnin, incontournable saveur sous les frondaisons de l’été.

Seth Kugel est aussi passé par la vallée de la Loue et — faute de goût culturelle impardonnable de la part de notre cousin du Nouveau Monde — il ne s’est pas arrêté au Musée Courbet d’Ornans ! Il ne saura donc rien de l’origine du monde... quel dommage ! Néanmoins, les photos d’Alex Cretey-Systermans sont tellement belles qu’elle s’apparentent à des œuvres d’art. Cet article très laudateur incitera sans doute les compatriotes de Seth Kugel à visiter Besançon, mais qu’ils se dépêchent, car il n’y aura bien tôt plus de capitale régionale et on situera bientôt la ville à cent kilomètres à l’est de Dijon…

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