Dick Cheney a été le vice-président de George Bush junior, à la tête des Etats-Unis, de 2001 à 2009. Si l’on se souvient que sa modération apparente en faisait un véritable intellectuel en comparaison de l’incultissime président qu’il secondait, on peut même se demander légitimement s’il n’a pas été le véritable leader de l’administration américaine. En tout cas, Dick Cheney n’a eu aucun état-d’âme pour soutenir et propager le honteux mensonge, sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, qui a permis l’invasion de l’Irak et a, surtout, engendré en ce qui concerne le vice-président, un authentique conflit d’intérêts. En effet Dick Cheney, au mépris des usages républicains, a continué à diriger l’entreprise Halliburton spécialisée dans l’exploitation pétrolière, qui a tiré d’énormes profits de l’intrusion en Irak et de l’appropriation des puits de pétrole. Dans ce domaine Bush et Cheney étaient en communion totale de pensée. Il est un domaine, néanmoins, où il y avait divergence entre les deux pré-cités, le mariage homosexuel.

Mary, Liz et Dick Cheney. © Ed Reinke / Associated Press
En effet, Cheney avait de bonnes raisons d’être plus ouvert et tolérant que Bush, ce qui, à priori, n’est guère difficile. Il a deux filles, Liz, l’aînée et Mary, la plus jeune, qui est lesbienne et mariée à sa partenaire de longue date, Heather Poe. Tout ce petit monde vivait en bonne harmonie, en famille unie, jusqu’à ce que Liz se mette dans la tête de vouloir être candidate à la candidature au poste de sénateur du Wyoming — fief autrefois de Dick Cheney qui en fut l’élu à la chambre des représentants de 1979 à 1989 —, dans le cadre du prochain renouvellement partiel du sénat. Or le Wyoming, état éminemment conservateur, a un sénateur républicain sortant, Michael Enzi, et pour être désignée à sa place par les instances du parti, Liz Cheney a décidé d’aller faire la cour à la droite de la droite, c’est-à-dire aux fous furieux du Tea Party. Et pour plaire à ses futurs nouveaux amis, il convenait de prendre des positions ultra réactionnaires. C’est ce qu’elle a fait, en trahissant la confiance de sa propre sœur, sans même lui en parler et en choisissant — circonstance aggravante ! — Fox News, à côté duquel le Figaro* passerait pour un organe de presse d’extrême gauche, comme le relate le NYT du 17 novembre, pour déclarer qu’elle était en fait opposée au mariage homosexuel.
Mary, et son conjoint Heather, ont donc appris cette prise de position inattendue de Liz devant leur téléviseur, stupéfaites et indignées devant un tel virage à 180°. Liz, qui a toujours entretenu d’excellentes relations avec sa sœur Mary et sa belle-sœur Heather, semble, donc, être la digne fille de son père, car, en matière de trahison, ce dernier ne craint personne. En octobre 2005, Dick Cheney avait livré en pâture l’identité d’un agent de la CIA, Valerie Plame, en en faisant un bouc émissaire des fausses révélations de l’arsenal présumé de Saddam Hussein et en mettant sa vie en danger. En février 2006, le même Cheney blesse grièvement un de ses partenaires de chasse, l’avocat Harry Whittington, en croyant viser une caille selon la version officielle**, et a tenté de cacher l’accident à la presse. En toute logique avec un tel palmarès, l’ancien vice-président a choisi de soutenir sa fille aînée aux dépens de sa fille puînée, dans un numéro étonnant de contorsionniste, en déclarant au NYT, édition du 18 novembre, qu’il est possible d’aimer sa fille lesbienne tout en n’étant pas d’accord avec le mariage de personnes de même sexe, alors que cette situation ne lui a posé aucun problème jusqu’à présent ! Selon le même NYT il n’est pas du tout acquis que ces basses manœuvres à visée électorale puissent duper les membres du parti républicain, auquel cas la dinde du prochain Thanksgiving chez les Cheney pourrait bien être Liz…
*Le Figaro, qui demeure un organe de presse militant pur et dur, soucieux de préserver son lectorat de droite et d’extrême droite, plutôt qu’un journal objectif, a cru bon de titrer sur le sujet : Les filles Cheney lavent leur linge sale en public, une manière peu élégante de les rendre toutes les deux responsables d’une situation qui n’est due qu’à la trahison familiale de l’aînée.
** La version officielle est tellement peu sérieuse qu’elle fait indubitablement penser cette « une » de feu Hara-Kiri Hebdo, à travers un dessin du regretté Reiser : il tue un cambrioleur en croyant tirer sur son fils…