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Billet de blog 20 février 2013

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Ed Koch (1924-2013): du Bronx à la mairie de New York

Le 1er février un personnage hors du commun de la vie politique américaine est mort : Edward Irving Koch, plus connu des habitants de New York sous son diminutif Ed, avait 88 ans et l’histoire retiendra ses trois mandats de maire et ses douze années à la fois tumultueuses et passionnées, de 1977 à 1989, au service de sa fonction.

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Le 1er février un personnage hors du commun de la vie politique américaine est mort : Edward Irving Koch, plus connu des habitants de New York sous son diminutif Ed, avait 88 ans et l’histoire retiendra ses trois mandats de maire et ses douze années à la fois tumultueuses et passionnées, de 1977 à 1989, au service de sa fonction. Personnage haut en couleurs, il a marqué New York de son empreinte. Les nostalgiques du superbe duo Paul Simon/Art Garfunkel se souviendront que c’est Ed Koch qui a levé toutes les barrières administratives pour que se tienne, à Central Park le 19 septembre 1981, le mémorable concert gratuit qui a réuni plus de 500.000 personnes. La vie d’Ed Koch n’avait de raison d’être qu’autour de la politique, qui était son unique passion.

Photo : Chester Higgins / NYT 

Ed Koch était né dans le Bronx, à Crotona Park East, le 12 décembre 1924, de parents juifs polonais qui avaient émigré séparément vers les Etats-Unis, avant de s’y rencontrer et de s’y marier. Le père, Louis, était associé dans la gestion d’un magasin de fourrures, la mère Joyce ne travaillait pas. Ed, deuxième des trois enfants Koch, vécut une enfance heureuse, sans fortune mais sans difficultés jusqu’à ce que la Grande Dépression de 1929 ne vienne balayer cette harmonie. En 1931 le magasin de fourrures ferma ses portes et la famille Koch s’installa à Newark, dans le New Jersey voisin. Ed, bien qu’âgé de neuf ans, en 1933, dut commencer à travailler, une fois la journée d’école terminée, pour aider la famille. Ses études secondaires furent sans éclat mais montrèrent, dans tous les compartiments de la vie scolaire, des qualités d’orateur impressionnantes. En 1941, Louis, le père, s’étant refait une santé financière, la famille retourna à New York, à Brooklyn cette fois, et Ed commença à suivre des cours, sans vraiment imaginer une orientation précise, au Manhattan City College, qui n’avait pas encore acquis son image universitaire actuelle et était plutôt professionnelle.

Deux ans plus tard, en 1943, Ed Koch fut mobilisé dans l’armée de terre américaine et participa au débarquement allié. Comme il parlait allemand, il fut alors envoyé en Bavière, avec la mission spécifique de débarrasser l’administration allemande des nazis qui s’y cachaient encore. A son retour, en 1946, il entreprit des études de droit à New York University et fut admis au barreau de New York en 1949. Il commença alors une carrière d’avocat qui dura plus de vingt ans et fit de lui un associé à part entière dans le cabinet Koch, Lankenau, Schwartz et Kovner. L’avocat Koch développa aisément les qualités d’orateur décelées chez l’écolier Ed et, en 1952, en tant que street corner speaker — dans la tradition britannique et américaine, harangueur juché sur une caisse en bois au coin d’une rue pour convaincre ses compatriotes — son engagement politique bascula, tout naturellement, du côté démocrate pour faire la campagne d’Adlai Stevenson, candidat malheureux par deux fois, en 1952 et 1956, face à Dwight Eisenhower.

Après le deuxième échec de son candidat, Stevenson, en 1956, Ed Koch s’installa à Greenwich Village et entra au Village Independent Democrats, un groupe dissident qui entendait lutter contre le ronronnement du parti démocrate à New York. En 1966, Ed Koch fut élu conseiller municipal, en menant une campagne exclusivement orientée vers la lutte contre la pauvreté et le contrôle de loyers. Les bases du credo politique de Koch étaient lancées. En 1968, il participa activement aux nombreux mouvements de protestation contre la guerre au Vietnam, apporta son soutien à la candidature à l’investiture démocrate du sénateur Eugene McCarthy et réussit l’exploit d’entrer à la chambre des représentants pour y représenter le 17ème district de NY, premier élu démocrate depuis 1934. Ed Koch s’y fit remarquer par ses qualités de travailleur, à l’écoute des électeurs les plus défavorisés, et de négociateur avec ses collègues républicains. Les dossiers, dont il se montrait défenseur zélé et ardent, allaient du logement à la prise en charge fédérale des avortements, en passant par les transports publics, l’amnistie pour les réfractaires au service national et le développement de l’énergie solaire. La popularité de Koch peut se mesurer aux scores de ses quatre réélections à la chambre des représentants, 62% pour le plus faible, 77% pour le plus fort. Néanmoins son exploit demeure son élection à la Mairie de New York, en 1977.

Exploit personnel, puisqu’en dehors de son district Ed Koch n’était pas très connu d’une part, et il avait, face à lui, six candidats d’autre part. Exploit politique ensuite, puisque New York, en 1977, était lourdement endettée par la gestion désastreuse d’un autre démocrate, Abraham Beame, qui n’avait guère trouvé de solutions aux conséquences de la crise économique de 1973. La pauvreté et le crime étaient en hausse. Ed Koch incarnait une autre façon de servir ses concitoyens. Sa candidature fut soutenue par le quotidien, The New York Post, qui n’avait pas encore – fort heureusement – été racheté par l’insupportable et amoral Rupert Murdoch. Ed Koch était célibataire et son adversaire républicain à courts d’idées et d’arguments, Mario Cuomo, donna écho à des rumeurs sur la sexualité de Koch, par innommables et détestables affiches à travers la ville : Vote for Cuomo, Not the Homo. Koch répondra par le silence et le mépris, mais, en 1989, au terme de son troisième mandat, lors d’un entretien radiophonique, il lança cette réplique ferme au sinistre Cuomo : I happen to believe there is nothing wrong with homosexuality. It happens that I am heterosexual, but I don’t care about that. I do care about protecting the rights of 10 percent of our population who are homosexual and who don’t have the ability to protect their rights.Ce qui signifie : Il se trouve que je pense qu’il n’y a rien de mal avec l’homosexualité. Il se trouve que je suis hétérosexuel, mais je m’en moque. Je me soucie de protéger les droits de dix pour cent de notre population qui sont homosexuels et qui n’ont pas la possibilité de défendre leurs droits.

Ed Koch fut élu et abandonna immédiatement son siège de représentant. Il devint donc maire de New York qui accusait un déficit de 400 millions de dollars et dont les rues et les ponts étaient en très mauvais état. Bon nombre d’entreprises quittaient New York. Le nouveau maire, avec  son équipe, se mit au travail, obtint des accords avec les syndicats, sollicita des prêts du Congrès et, au terme de son premier mandat, ramena le budget de la ville à l’équilibre. Ed Koch gagna l’estime de ses concitoyens, non seulement parce qu’il mit toute son énergie à leur service, mais aussi parce que, pendant sa première campagne électorale, il alla, dans la rue, à la rencontre des défavorisés, des minorités et son aura fut considérable. Sans doute hâtivement grisé par cette même aura, il tenta, au début de son deuxième mandat, de se lancer dans la course au poste de gouverneur, contre le même Mario Cuomo, mais ce qui avait bien fonctionné à l’intérieur de New York ne marcha pas du tout dans les zones rurales de l’Etat de New York, où l’on voyait d’un mauvais œil cet avocat, ami de toutes les minorités. Après cet échec retentissant, Koch se consacra totalement à New York. Cependant, à l’issue de son deuxième mandat, le charme s’épuisa d’une part parce que ce maire si original et tolérant avait pris la mauvaise habitude d’être cassant et désagréable dans les débats publics ; d’autre part sa candeur le conduisit à accorder une confiance excessive à certains membres de son équipe impliqués dans des scandales financiers, puis, contre toute attente, à plaider pour l’immunité de ceux qui avaient avoué leur implication dans la corruption.

Son troisième mandat fut placé sous le sceau de l’ambition dans le domaine de l’éducation, des transports, du logement, mais bientôt terni par de nouveaux scandales financiers. Donc, en 1989, l’enthousiasme et la fraîcheur de l’approche politique s’étant émoussés, Ed Koch décida de ne pas solliciter de nouveau mandat, et, fidèle à son image, se lança, avec autant d’enthousiasme, dans de nouvelles activités, telles que des chroniques à la radio et dans la presse écrite qui le maintenaient dans la sphère publique. Dans une vidéo du NYT à la question du journaliste Robert McFadden : How would you like to be remembered? - Quel souvenir de vous souhaitez-vous que l’on garde ? - Ed Koch répondit : As a proud Jew who loved the people of the city of New York and this is best to make their life better. Celui d'un juif fier de l’être qui a aimé les gens de la ville de New York et c’est ce qu’il y a de mieux pour améliorer leur vie.

http://www.nytimes.com/2013/02/02/nyregion/edward-i-koch-ex-mayor-of-new-york-dies.html?pagewanted=1&hp

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