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Billet de blog 20 juillet 2012

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Le Struthof, l'unique camp de concentration sur le sol français

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Photo : Mémorial du Struthof

Qui pourrait imaginer, en empruntant la magnifique petite route départementale 130 qui sillonne depuis les sommets de la forêt d’Obernai pour descendre jusqu’à Rothau, aux confins du Bas-Rhin, de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle, en plein cœur du massif nord des Vosges, que ce site superbe et calme a servi à la barbarie nazi à partir de 1941 ?

Au lieu dit le Struthof, qui fut une station de ski appréciée de la bourgeoisie strasbourgeoise au début du 20ème siècle, à quelques dix kilomètres du Mont Sainte-Odile, fut construit l’unique camp de concentration sur le sol français. Après la capitulation française de juin 1940 face à l’envahisseur nazi, la Moselle et l’Alsace furent annexées, et, dès cette époque, le massif riche en grès rose, fut repéré par un colonel SS, Blumberg, géologue de son état. La construction du camp, à un kilomètre de la carrière, fut décidée aussitôt. Le camp de concentration du Struthof ouvrit le 1er mai 1941 sous le nom de Konzentrazionslager Natzweiler-Struthof, le nom de Natzwiller, commune la plus proche, ayant été germanisée en Natzweiler.

De 1941 à 1944, 52.000 hommes – les quelques femmes envoyées au Struthof furent pratiquement toutes exécutées à leur arrivée – furent déportés de toute l’Europe, essentiellement parce qu’ils étaient juifs, tziganes, homosexuels ou militants politiques, qui furent affublés de l’effroyable étiquette Nacht und Nebel, nuit et brouillard. 22.000 hommes moururent au Struthof, soit pendus devant l’ensemble des détenus, soit gazés – les nazis avaient poussé l’horreur et le cynisme jusqu’à installer la chambre à gaz dans un ancien hôtel à environ 800 mètres en contrebas – puis envoyés au four crématoire, conservé en l’état, témoin de l’abomination, dans le dernier baraquement du camp en direction de la vallée.

Humiliés, battus, affamés pour ceux qui n’avaient pas été exécutés selon l’humeur des SS, les déportés devaient faire face à des conditions de survie insoutenables. Le Struthof est situé à 850 mètres d’altitude, la température en été peut avoisiner les 40° et descendre jusqu’à – 20° en hiver, la couche de neige varie entre 40cm et 1,50 mètre. Le camp était classé en catégorie III par les nazis, soit parmi les plus sévères. Le plus jeune déporté fut un garçon de 11 ans, le plus âgé avait 78 ans. Lorsque les premiers soldats américains arrivèrent en novembre 1944, le Struthof avait été vidé et les déportés furent expédiés à Auschwitz par camions. Une majorité ne survécut pas à ce transport, ceux qui survécurent furent gazés puis conduits aux fours crématoires. Les nazis utilisèrent les déportés, notamment les femmes qui n’avaient pas été exécutées à leur arrivée, comme cobayes pour des expérimentations toutes aussi horribles les unes que les autres, sous la direction, notamment, de August Hirth, professeur d’anatomie à l'Université de Strasbourg qui avait acquis, avant la guerre, une réputation dite internationale.

Le célèbre adage Celui qui oublie son passé est appelé à le revivre est connu de tous. A l’heure où 65% des 16-25 ans ignorent tout de la rafle du Vel d’Hiv du 16 juillet 1942 et à l’heure où, à travers l’Europe, ressurgissent des mouvements néo-nazis, et à travers le monde la bête immonde se manifeste encore, il semble de la plus élémentaire nécessité de transmettre les faits. Bien que l'on sache tout de l'horreur, avoir visité le Struthof est une expérience éprouvante, bouleversante et indispensable qui rend cette horreur tangible et mesurable, et le hasard est ainsi fait que le message fut délivré avec une louable détermination par une jeune guide dont la volonté de transmettre était émouvante.

http://www.struthof.fr/

http://www.struthof.fr/fr/mediatheque/bibliographie/

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