La situation du premier ministre britannique, Gordon Brown, est devenue intenable et inextricable. Ses soutiens, au sein de son gouvernement, sont de moins en moins nombreux, et, si ses ministres présumés les plus fidèles affichent une solidarité de façade, leurs propos, off the record, sont accablants pour leur chef. Et cependant, aucun leader digne de ce nom ne semble apparaître à l'horizon, la lueur que représentait la tentative de David Miliband, cet été, s'est éteinte, provisoirement peut-être.
Les paroles de la chanson de 1981 du groupe britannique The Clash collent parfaitement à la situation du successeur de Tony Blair :
If I go there will be trouble
And if I stay it will be doubleSo come on and let me knowShould I stay or should I go?La célèbre éditorialiste du quotidien britannique, The Guardian, Polly Toynbee a répondu dans l'édition du 18 septembre. Non seulement elle pense que Gordon Brown devrait s'en aller, pendant qu'il en est encore temps, ce qui implique, à ses yeux, que dans le cas contraire, le désastre électoral pourrait être historique. Mais, en plus, elle avance une explication assez solide pour analyser la déconfiture actuelle du premier ministre travailliste.
Selon Polly Toynbee, les difficultés actuelles de Gordon Brown montrent qu'il a trompé son petit monde travailliste, en acquérant, pendant les dix années passées à servir Tony Blair comme chancelier de l'échiquier, une réputation de rigueur, apparemment totalement usurpée. En fait, Gordon Brown est un adepte du laissez-faire et un admirateur d'Alan Greenspan, ex-patron de la Federal Reserve américaine. La journaliste du Guardian poursuit son réquisitoire, en précisant que l'ex-chancelier a laissé filer les taux d'intérêt et s'est soumis docilement au marché sans jamais intervenir pour réguler les emprunts anarchiques des banques britanniques, et, aujourd'hui, tout le monde a pris conscience de la supercherie. Le présumé gardien du temple travailliste est un authentique libéral.
Toujours selon Polly Toynbee, Gordon Brown s'est même vanté, à plusieurs reprises, d'avoir permis à Londres de dépasser New York comme centre financier international, ce qui a engendré non seulement une grande fragilité de la place, mais, en plus, n'a entraîné aucune reconnaissance spécifique de la City et des milieux d'affaires envers le premier ministre et son gouvernement. L'objectif est maintenant d'avoir un chef de file assez fort pour mener une politique authentiquement travailliste forte, qui permette de sauver les banques et non pas les actionnaires. Mais, ajoute la même journaliste, ce n'est plus possible avec Gordon Brown, qui a laissé s'éroder sa force politique, son charme autrefois convaincant et son aisance d'antan, et qui est politiquement nu.