Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

552 Billets

20 Éditions

Billet de blog 20 décembre 2012

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

"Clouer le bec" ?

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On savait déjà que les antennes de Radio-France et le quotidien Le Monde rivalisaient d’ardeur pour devenir la Pravda française, la journée d’hier en a apporté la confirmation. Ces deux organes de presse présumée ont fait preuve du même empressement et du même zèle pour relayer une expression particulièrement péjorative, vraisemblablement concoctée par l’agence de communication (payée par qui ?) chargée d’assurer la défense  fort maladroite de Jérôme Cahuzac. En « une » de son site, Le Monde a utilisé sans guillemets clouer le bec pour évoquer l’initiative, pour le moins cocasse  , du ministre pré-cité de solliciter UBS pour apporter la preuve qu’il n’aurait jamais eu de compte en Suisse (cocasse car c’est un peu comme si Lance Armstrong demandait au tristement célèbre médecin italien Ferrari d'apporter la preuve qu’il ne s’est jamais dopé).  Dans le même ordre d’idées, dans le journal de France-Info de la mi-journée, la jeune journaliste à l’antenne a eu recours au même clouer le bec, sans prendre la précaution oratoire élémentaire de dire « je cite :… »

Dans les deux cas, on l’aura compris, hélas !, il s’agirait de clouer le bec à Mediapart. Clouer le bec est une expression de langage parlé familier qui signifie réduire quelqu’un au silence, faire taire quelqu’un, expression fondée sur le sens métaphorique de bec pour bouche, évidemment. Comme dans toute formulation linguistique il y a un présupposé, on peut aisément conclure qu’il y a, là, deux niveaux de présupposé. Tout d’abord, sur le plan du fond, que l’on peut qualifier de gravissime, cet usage implique que Le Monde et France-Info considèrent, avec le ministre, que Mediapart serait un vilain garnement qu’il faut faire taire et à qui une punition bien sentie va être administrée. C’est donc la constatation de toute absence d’esprit critique et indépendant de la part de ces deux moyens d’information, alliée à une forme de docilité et de servilité déroutante. Sur le plan de la forme, le présupposé conduit au mépris le plus total, car, clouer le bec est une solution qui consiste à oublier les faits et la vérité. C’est dans les systèmes totalitaires, les régimes fascistes et les dictatures que l’on cloue le bec, mais certainement pas dans une démocratie, où l’information est une exigence élémentaire de chaque citoyen.

Les journalistes aux ordres du Monde et de France-Info devraient méditer sur une autre expression idiomatique, d’origine gasconne, liée au mot bec : on lui a fait le bec, ce qui signifie on lui a dit ce qu’il fallait dire ou faire

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.