Depuis son entrée en fonction en tant que directeur de France Inter, le sérénissime Philippe Val n'avait pas accordé d'entretien à la presse écrite. C'est désormais chose faite, puisque, dans son édition du 20 avril, Le Monde donne le détail des réponses du premier nommé aux journalistes Martine Delahaye et Stéphane Lauer. Cet entretien constitue une contribution non négligeable à la casuistique, au non dit et à la langue de bois dont, en son temps, un éditorialiste de Charlie-Hebdo aurait pu faire des gorges chaudes.
A la question attendue sur le sort qui attend Stéphane Guillon dans les prochains mois, la réponse, d'une criarde hypocrisie, a été : " Qui a dit que l'humour doive intervenir à 7h55 ?". Cette très spécieuse formulation interrogative a, du reste, été rectifiée par le journal Le Monde, entre l'édition en ligne et la version papier, pour devenir : " Il n'est écrit nulle part que l'humour doive intervenir à 7h55." Sur le site comme dans le quotidien imprimé cette considération est suivie d'une noble et mâle question : " Jusqu'où peut-on aller dans ce mélange sans nuire à l'information ?". Diable ! Mais c'est vrai ! C'est bien sûr il fallait y penser ! Qui a dit que ? Et jusqu'où peut-on aller ?
Peut-être pourrait-on reprendre ce style lapidaire pour retourner ces sinistres questions contre son auteur et ceux qui l'ont fait roi. Ainsi, on pourrait, légitimement, se demander, publiquement et à voix haute :
* Qui a dit que quand on a commencé sa carrière comme saltimbanque on a nécessairement la compétence pour diriger une prestigieuse rédaction de grands journalistes professionnels de la meilleure radio de France ?
* Qui a dit que, parce que l'on fait partie des amis de l'épouse du président, on acquiert, par un coup de baguette magique, cette même compétence ?
* Qui a dit que, pour les mêmes raisons, l'on était en droit de se faire le complice d'un autocrate, qui, sans l'avoir annoncé dans son programme présidentiel, décide de ramener l'audiovisuel français quarante-cinq ans en arrière pour ressusciter la funeste ORTF ?
* Qui a dit, outre Philippe Val, que l'autocrate précédemment évoqué devenait "l'actionnaire majoritaire" d'une radio publique, qui, jusqu'à preuve du contraire, appartient à ses auditeurs et à ses usagers ?
* Qui a dit qu'on a le droit de compromettre l'honneur et de brader la dignité de la profession de journaliste pour la ravaler à celle de gens de maison ?
* Qui a dit que, lorsque l'on a dirigé un hebdomadaire fondé sur l'humour, l'anti-conformisme et l'innovation on puisse apporter sa caution à un des pires régimes depuis Vichy ?
A toutes ces question la réponse est la même, pour tous les citoyens épris de démocratie, de respect et de liberté : personne !
On ajoutera une dernière question, bien sûr : jusqu'où peut-on aller pour ne pas dissoudre sa propre dignité ? La réponse court jusqu'en 2012.